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“Feuille de route et accord de Genève: quel espoir pour la paix”
Introduction
Comme on sait, un groupe d'hommes politiques et publics palestiniens et israéliens a travaillé pendant les deux dernières années au document positionnant la problématique du règlement définitif du conflit entre les parties. Ce groupe comprend les ex-ministres du gouvernement de l'Autorité Palestinienne et d'Israël Y.Abed Rabbo et Y.Beilin, des officiers en retraite des services spéciaux israéliens, d'éminents hommes d'opposition de gauche d'Israël et des représentants de l'opinion palestinienne.
Depuis 1991 avec la conférence de Madrid, le processus de paix israélo-palestinien est lancé en vue de trouver une solution au conflit, qui dure depuis plus d’un siècle. Après l’échec des dernières tentatives des accords de Camp David, de Taba et de Charm el Cheikh (de 2000 à 2001), les espoirs renaissent de leurs cendres en 2003 avec de nouveaux plans de paix: la “Feuille de route” de Juin dernier, et dernièrement l’accord de Genève qui demeurent toutefois fragiles.
Il est à noter que ces plans de paix relèvent aussi bien de la volonté des deux principales parties de mettre un terme définitif au conflit israélo-palestinien, mais aussi de la Communauté internationale, notamment du Quartet, formé de l’ONU, des Etats-Unis, de l’Union Européenne et de la Fédération de Russie, dont la contribution s’inscrit dans une intention double: servir les intérêts des deux parties belligérantes, en même temps que leurs propres intérêts, à savoir se replacer comme puissance médiatrice sur la scène régionale..
Ainsi la “Feuille de route” et l’accord de Genève suivent la même procédure de la négociation diplomatique qui d’emblée engage un processus dans lequel les propositions explicites sont formellement avancées en vue d’un accord viable. La négociation diplomatique devrait se fonder ici sur le consentement des parties (prise en considération de la situation en même temps de belligérance israélo-palestinienne, mais aussi du caractère international de celle-ci, qui suppose la reconnaissance de la souveraineté de l’adversaire, et qui exclut avant tout le recours à la violence).
Aussi bien la “Feuille de route” que l’accord de Genève, tous deux entrent dans le cycle interminable des négociations.
Mais quels genres de négociations visent-ils? Quels enjeux se placent au coeur de ces dernières? Quelles sont les intentions de chacune des deux parties participant directement ou indirectement dans le projet d’accord? Dans quelle mesure les deux accords adoptent une stratégie commune? Quelles démarches poursuivent-ils?
On doit donc tenir compte de la psychologie des acteurs en présence, et du contexte de la perpétualisation du conflit israélo-palestinien, avant d’analyser les différentes synergies des deux plans opposés.
Le conflit israélo-palestinien illustre depuis le début des années 90’ la rivalité, la lutte d’influence, de puissance sur la région, exercée par les deux puissances actuelles: les Etats-Unis et l’Union européenne dont la contribution dans le règlement du conflit ne fait en réalité que reposer sur des intérêts nationaux, à savoir acquérir le statut de puissance à travers une politique étrangère forte.
Ainsi la préoccupation du Quartet au cœur du rétablissement de la paix au Proche-Orient met en relief leur volonté de pacifier et de démocratiser le monde, notamment après le 11 septembre 2001, où au nom des valeurs relatives à la liberté, à l’égalité et à la solidarité est menée une guerre contre le terrorisme international.
Tout porte à croire que le conflit israélo-palestinien est devenu la cible potentielle de l’Europe et des Etats-Unis pour mener à bien l’éradication du terrorisme, palestinien en l’occurrence, notamment celui qui émane de l’organisation du Hamas ainsi que du Djihad islamiste, principaux responsables des attentats-suicides, perpétrés au cours de la seconde Intifada.
A partir de là on peut envisager les motivations aussi bien des Palestiniens que des Israéliens dans le contenu de la “Feuille de route” et de l’accord de Genève, des motivations qui se replacent dans le contexte historique de la dualité entre les deux parties, à savoir nier la reconnaissance de l’autre en tant que voisin réel. Le conflit israélo-palestinien se présente avant tout comme un conflit existentiel. Reconnaître l’autre comme son égal, c’est comme renoncer à sa propre existence. Chacune des deux parties est convaincue de cette vérité. Ni la “Feuille de route”, ni l’accord de Genève ne parviendront à mettre fin à cette “paranoïa” commune.
Si les deux accords ont d’emblée pour objectif le règlement permanent du conflit israélo-palestinien sur la base de deux Etats, donc la création d’un Etat palestinien viable et la reconnaissance mutuelle des deux parties, et la fin des violences, la réalité est loin de parvenir à cette solution pacifique, elle se lit entre les lignes des deux textes en présence.
Les concessions demandées aux deux parties ne sont pas équitables, et surtout les questions fondamentales – celles des frontières, des réfugiés ainsi que le statut de Jérusalem - sur lesquelles butent les accords antérieurs, demeurent des pierres d’achoppement, soit parce qu’on n’y fait pas allusion dans les textes des accords, soit parce qu’elles sont complètement irréalistes, n’étant pas acceptées tout au long du processus de négociations entamé à Madrid en 1991, qui entre pleinement dans le cadre de cet accord.
La phase de négociations qui englobe les deux accords correspond en effet à une négociation en vue de la reconduction des accords antérieurs relatifs au processus de paix, à savoir aboutir à une solution viable, à un règlement pacifique des différends qui nécessite des concessions de la part des deux parties en présence, notamment en premier lieu la fin des violences (actions terroristes des kamikazes palestiniens, intrusion violente de Tsahal dans les territoires palestiniens, ou encore la poursuite de la colonisation dans ces derniers…), et ceci afin de permettre l’application d’une revendication nouvelle: la création d’un Etat palestinien viable avec des institutions démocratiques.
La négociation prend de cette manière une autre dimension: il s’agit d’une négociation en vue d’une innovation, de la création d’une situation (un Etat souverain, voisin d’Israël), et donc de normaliser une situation anormale aux yeux de la communauté internationale.
Ainsi en adoptant la même technique que celle suivie au cours des dix dernières années (l’injection des obligations antérieures), les partisans pensent fonder leurs espoirs sur ces nouveaux accords, certes complémentaires. La paix serait possible grâce justement à la mobilisation des organisations juives et des Arabes modérés, mais surtout grâce aux moyens pacifiques relatifs à la négociation, à savoir à ce que l’on appelle les “bons offices”: lorsque le Quartet international se limite à mettre les antagonismes qui existent entre Israéliens et Palestiniens en présence: c’est le cas de l’accord de Genève, qui serait appliqué sous les auspices des quatre pôles internationaux (ONU, USA, UE et Russie), donc à leur rôle de médiation: cette spécificité consiste à proposer une formule d’accord suggérée par encore une fois le Quartet international, et ici, c’est le cas de la “Feuille de route”, entièrement soutenue par le quartet diplomatique, qui encourage l’application des mesures par les deux parties dans les domaines politiques, sécuritaire, économique, et humanitaire. Après tout, les Nations unies, qui ont voté, le 29 novembre 1947, le partage de la Palestine entre un Etat juif et un Etat arabe, n’ont rien fait pour empêcher leur plan d’avorter, ni la région d’aller de guerre en guerre. Raison de plus pour qu’elles assurent désormais la tutelle des territoires occupés, y déploient une force internationale massive assurant la sécurité des deux peuples et contribuent ainsi, avec l’accord de Genève, à la création d’un Etat palestinien réellement indépendant aux côtés d’Israël.
C’est à partir de ça qu’une synergie peut être effectuer afin de mettre en relief la stratégie déployée par Israéliens et Palestiniens via les textes de ces deux accords.
Eléments d’analyse de la “Feuille de route”
A/ Le texte
Le Quartet diplomatique (ou Quatuor) est composé de l'Organisation des Nations Unies, de l'Union européenne, des États-Unis d'Amérique et de la Fédération de Russie.
Feuille de route axée sur des résultats et destinée au règlement permanent du conflit israélo-palestinien sur la base de deux Etats.
Le présent document est une feuille de route axée sur des résultats et mue par des objectifs : elle comporte des étapes claires, un calendrier, des dates limites et des critères destinés à encourager les progrès par des mesures réciproques des deux parties dans les domaines politique, sécuritaire, économique, humanitaire et de création des institutions, sous les auspices du Quatuor (les Etats-Unis, l'Union européenne, l'Organisation des Nations unies et la Russie). La destination est le règlement définitif et général du conflit israélo-palestinien d'ici à 2005, comme l'a indiqué le président Bush dans son discours du 24 juin et comme l'ont approuvé l'Union européenne, la Russie et l'ONU dans les déclarations ministérielles du Quatuor le 16 juillet et le 17 septembre.
Le règlement du conflit israélo-palestinien sur la base d'une solution à deux Etats n'est réalisable que si fin est mise à la violence et au terrorisme lorsque le peuple palestinien aura des dirigeants qui agiront de façon décisive contre le terrorisme et qui seront désireux et capables d'instaurer un régime démocratique fondé sur la tolérance et la liberté, que si Israël est disposé à faire le nécessaire pour qu'un Etat palestinien démocratique soit établi, et que si les deux parties acceptent clairement l'objectif d'un règlement négocié tel qu'il est décrit ci-dessous. Le Quatuor aidera et facilitera la mise en oeuvre de ce plan, en commençant par la phase I, qui prévoit des négociations directes entre les parties. Le plan comprend un calendrier réaliste d'exécution. Toutefois, étant donné qu'il s'agit d'un plan exigeant des résultats, les progrès dépendront des efforts faits de bonne foi par les parties et de l'exécution de chacune des obligations indiquées ci-dessous. Si les parties s'acquittent de leurs obligations rapidement, il se peut que les progrès dans le cadre de chacune des phases et d'une phase à l'autre se produisent plus tôt que prévu. La non-exécution des obligations entravera le progrès.
Un règlement, négocié entre les parties, aboutira à la création d'un Etat palestinien indépendant, démocratique et viable vivant aux côtés d'Israël et des autres pays limitrophes en paix et en sécurité. Il réglera le conflit israélo-palestinien et mettra fin à l'occupation qui a commencé en 1967, en tenant compte des fondements de la conférence de Madrid, du principe de l'échange de territoires contre la paix, des résolutions 242, 338 et 1397 du Conseil de sécurité de l'ONU, des accords conclus antérieurement par les parties et de la proposition du prince héritier saoudien Abdallah, approuvée par la Ligue arabe lors de son sommet de Beyrouth, qui prévoit l'acceptation d'Israël en tant que pays voisin vivant en paix et en sécurité, dans le contexte d'un règlement général. Cette proposition est un élément essentiel des efforts internationaux destinés à encourager une paix générale dans toutes les voies, y compris la voie israélo-syrienne et la voie israélo-libanaise.
Le Quatuor se réunira périodiquement, à un échelon élevé, en vue d'évaluer les résultats en ce qui concerne l'exécution du plan par les deux parties. Dans chaque phase, les parties sont censées exécuter leurs obligations parallèlement, à moins d'indication contraire.
Phase I
Mettre fin au terrorisme et à la violence, normaliser la vie des Palestiniens et mettre en place les institutions palestiniennes - aujourd'hui à mai 2003
Pendant la phase I, les Palestiniens entreprennent immédiatement de mettre fin de façon inconditionnelle à la violence conformément aux mesures indiquées ci-dessous ; une telle action doit s'accompagner de mesures de soutien prises par Israël. Les Palestiniens et les Israéliens reprennent leur coopération en matière de sécurité en se fondant sur le plan de travail Tenet afin de mettre fin à la violence, au terrorisme et à l'incitation à de tels actes en restructurant les services de sécurité palestiniens et en les rendant efficaces. Les Palestiniens entreprennent des réformes politiques générales en prévision de la création d'un Etat, notamment en élaborant une Constitution palestinienne et en organisant des élections libres et honnêtes sur la base de ces mesures. Israël prend toutes les mesures nécessaires pour aider à normaliser la vie des Palestiniens. Israël se retire des territoires palestiniens qu'il occupe depuis le 28 septembre 2000, et les deux camps reviennent au statu quo qui existait alors, au fur et à mesure du rétablissement de la sécurité et la coopération. Israël suspend toutes ses activités quant à la création de colonies de peuplement, conformément au rapport Mitchell. […]
Phase II
La transition (juin 2003 - décembre 2003)
Dans la seconde phase, les efforts portent sur la création d'un Etat palestinien indépendant aux frontières provisoires, doté des attributs de la souveraineté et fondé sur la nouvelle constitution. Il est une étape sur la voie d'un accord sur le statut définitif. Comme cela a déjà été souligné, cet objectif pourra être atteint lorsque les Palestiniens auront un gouvernement qui agit de façon décisive contre le terrorisme, et qui a la volonté et la capacité de pratiquer la démocratie fondée sur la tolérance et la liberté. Avec de tels dirigeants, ainsi que des institutions civiles réformées et des structures de sécurité, les Palestiniens bénéficieront du soutien actif du Quatuor et de l'ensemble de la communauté internationale dans l'établissement d'un Etat indépendant et viable.
Pour progresser en phase II, il faudra que le Quatuor ait déterminé, par consensus et après analyse du comportement des deux parties, que les conditions appropriées sont réunies. Visant à accélérer les efforts de normalisation de la vie des Palestiniens et à construire les institutions palestiniennes, la Phase II commence après les élections palestiniennes et s'achève en 2003 avec l'éventuelle création d'un Etat palestinien indépendant aux frontières provisoires. Ses principaux objectifs sont des résultats constants sur le plan de la sécurité globale, le maintien d'une coopération efficace en matière de sécurité, la poursuite de la normalisation de la vie des habitants et de l'établissement des institutions en Palestine, le renforcement et le maintien des objectifs énoncés en phase I, la ratification d'une Constitution palestinienne démocratique, la création officielle d'un poste de premier ministre, la consolidation des réformes politiques et la création d'un Etat palestinien doté de frontières provisoires. […]
Phase III
Accord sur le statut permanent et fin du conflit israélo-palestinien (2004-2005)
L'évolution en phase III se fera sur décision consensuelle du Quatuor, compte tenu des actions des deux parties et des observations des membres du Quatuor. Les objectifs de la phase III sont la consolidation des réformes et la stabilisation des institutions palestiniennes, une sécurité palestinienne soutenue et efficace, et des négociations israélo-palestiniennes visant à établir un statut permanent en 2005.
B/ Démarche du texte
La “Feuille de route” suit la même démarche que les accords qui l’ont procédée. Il s’agit effectivement d’un accord qui par du contexte conflictuel, à savoir les différentes questions problématiques, avant d’émettre l’objectif principal, qui est la création d’un Etat Palestinien.
Ainsi les différentes phases visent à construire le terrain d’une soit disant coexistence entre les Palestiniens et les Israéliens, une construction qui ne semble pas tenir.
La “Feuille de route” semble se diriger directement dans le mur. L’échec de Mahmoud Abbas s’explique d’abord par le refus israélien de cesser une colonisation qui ressemble de plus en plus à une annexion. L’isolement de Mahmoud Abbas au sein de la société palestinienne et son incapacité à imposer une trêve durable au Hamas ne sont-ils pas, au contraire, le résultat du double langage d’Israël, qui poursuit la colonisation et ses raids meurtriers tout en exigeant des Palestiniens la fin des violences? Alors que, pour un temps au moins, les espoirs de solution politique au conflit israélo-palestinien s’amenuisent, le rêve d’un grand Israël empiétant sur la Palestine semble progresser. Notamment avec la construction en cours, par Israël, d’un « mur de la honte » dépeçant la Cisjordanie. Ce mur vise à rendre irréversible une colonisation qui n’a jamais cessé. En fait, ce n'est pas le principe du mur en soi mais son tracé qui préjuge les négociations à venir, qui est source de difficultés, de frustrations et qui, encore une fois, introduit un point d'interrogation sur une négociation qui devrait intervenir le moment venu.
Au mépris de toute logique et de toute justice, les pressions américaines n’ont jamais cessé de s’exercer sur les Palestiniens. Pris dans cet étau, ceux-ci sont de plus en plus sensibles à la propagande du Hamas. Les attentats contre des civils israéliens ont repris. Encouragé par les Israéliens et les Américains à entamer une hasardeuse guerre civile contre le Hamas, Mahmoud Abbas a préféré jeter l’éponge.
Par ailleurs la “Feuille de route” est imposée après la guerre en Irak. Son échec coïncide avec les premiers échecs de la politique étrangère américaine en Irak, une politique certes paralysée, qui enlève toute sa crédibilité à la politique israélienne, donc à tout succès de la tentative de l’accord.
A propos de l’accord de Genève
A/ Les points clés du plan
L’accord final engage les deux parties, palestinienne et israélienne à toute une nouvelle revendication. Il remplacera toutes les précédentes résolutions de l’Organisation des Nations unies (ONU).
Le cadre de l’accord est celui du processus de paix entamé à Madrid en 1991, concrétisé par la déclaration de principes d’Oslo, les accrords de Wye River, Charm el-Cheikh et poursuivi lors des négociations de Camp David et Taba.
L’accord porte sur:
L’Etat palestinien : il sera constitué aux côtés d’Israël, conformément aux frontières de 1967, avec certaines modifications. Il sera non-militarisé, mais doté d’une Force de sécurité suffisante pour remplir les tâches de surveillance des frontières, maintien de la loi et de l’ordre, renseignement et prévention du terrorisme. Cette force sera placée sous la surveillance de la Force multinationale.
Colonies : selon des négociateurs, Israël restituera 100 % de la bande de Gaza et 97,5 % de la Cisjordanie : il annexera les 2,5 % restant pour regrouper les blocs de colonies à Gush Etzion (sud de la Cisjordanie) et dans le périmètre de Jérusalem. En revanche, les colonies d’Ariel (nord), Efrat et Har Homa (sud) feront partie de l’Etat palestinien. En échange des secteurs de la Cisjordanie qui resteront sous son contrôle, Israël transfèrera à l’Etat palestinien des zones du Néguev adjacentes à la bande de Gaza.
Jérusalem : la ville sera la capitale de l’Etat d’Israël et de l’Etat palestinien. La souveraineté y sera partagée sur la base du principe proposé par le président américain Bil Clinton : est israélien tout ce qui est juif, est palestinien tout ce qui est arabe, musulman ou chrétien. L’Etat palestinien contrôlera donc la Vieille Ville, sauf le Quartier juif et le Mur des Lamentations. L’Esplanade des mosquées sera sous souveraineté palestinienne avec un libre accès, supervisé par une force internationale, pour toutes les autres confessions - mais les juifs ne seront pas autorisés à y prier. Les fouilles archéologiques ne seront pas non plus autorisées sur le site.
Réfugiés : sauf quelques dizaines de milliers autorisés à revenir en Israël, ils ne pourront exercer leur « droit au retour » - formule absente du texte de l’accord - que dans l’Etat de Palestine ou vivre dans d’autres Etats de la région. Cinq options sont offertes: 1) s’installer dans l’Etat de Palestine, 2) s’installer dans les régions d’Israël transférées à l’Etat de Palestine dans le cadre des échanges de territoires, 3) s’installer dans un pays tiers, 4) s’installer en Israël, 5) rester dans leur pays d’accueil si son gouvernement l’accepte. Les intéressés bénéficieront dans ce cas d’une aide internationale.
Sécurité : les Palestiniens s’engageront à démanteler les infrastructures terroristes et à combattre le terrorisme comme l’incitation à la violence. L’Etat palestinien sera démilitarisé et les points de passage seront supervisés par une force internationale.
B/ Démarche du plan
Contrairement à la “Feuille de route”, le plan de Genève suit une démarche inverse. L’objectif est d’emblée énoncé, à savoir le règlement pacifique du conflit israélo-palestinien, ainsi que la mise en place d’un Etat palestinien, puis sont exposées les différentes étapes nécessaire à l’obtention des résultats précédents.
Majeur, l’événement l’est par sa signification : en pleine escalade guerrière (qui a tué 2 640 Palestiniens et 846 Israéliens en trois ans), un accord démontre spectaculairement que la paix est possible et que les Israéliens ont un partenaire pour la négocier, contrairement aux affirmations de M. Ehoud Barak comme de M. Ariel Sharon.
En fait l’accord de Genève n’est pas aussi prometteur. Le projet a peu d’avenir. Il permettrait toutefois de retarder les échéances, de créer sur le terrain, militairement ou non, d’autres faits accomplis.
On remarquera que la stratégie déployée par Beilin et ses amis vise en premier lieu le premier ministre israélien, Ariel Sharon, et donc la droite Israélienne, notamment à l’approche des élections. Les dirigeants israéliens qui sont à l’origine du plan ont prévu la réaction de Sharon contre tout projet d’application du plan. Le plan de Genève, même s’il n’est pas appliqué, est une occasion pour la gauche israélienne de revenir sur la scène politique israélienne, en gagnant les élections.
Mais pour inciter les quelques israéliens à abandonner Sharon, offrir une chance de faire la paix ne sera pas suffisant. Il faudra aussi présenter un projet économique et social crédible. Il faudra surtout associer les mizrahim à la recherche de la paix.
L’échec est d’autant plus prévisible par le fait que la France refuse de participer ou encore d’approuver les principes de Genève. En ce qui concerne la position française, c'est la Feuille de Route qui reste la référence, l'objectif auquel tous, les parties et l'ensemble de la communauté internationale, il faut continuer à souscrire et à tout faire pour mettre en oeuvre.
C/ Les écueils de l’initiative de Genève
Il est bien entendu que tout travail pour atteindre une paix juste et durable au Moyen-Orient ou ailleurs dans le monde mérite une attention particulière, dans le but de parvenir à une paix juste pour les deux peuples Palestinien et Israélien. Il est malheureux que « l’Accord de Genève » ne réponde pas aux éléments les plus élémentaires (cf les Accords de Genève) qui pourront résoudre le conflit, c’est à dire permettre que la justice et les droits humains soient pleinement respectés. Le premier défaut de cet accord se trouve au paragraphe 10 qui dit que cet accord se situe dans le cadre du processus de paix initié à Madrid en octobre 1991, la déclaration de principe du 13 septembre 1993, les accords subséquents comme ceux de 1995, le mémorandum de Wye River en octobre 1998, les négociations de Sharm-El-Sheikh du 4 septembre 1999, les négociations de camp David en juillet 2000, les idées de Clinton en décembre 2000 ainsi que les négociations de Taba en janvier 2001 et la feuille de route.
Nous savons que ces négociations, Mémorandums et accords ont tous échoué à cause de la politique israélienne et de l’appui incessant des États Unis à cette politique. Les Israéliens et les Américains n’ont pas négocié de bonne foi.
Il faudrait rappeler ici aux nombreux observateurs du processus de Genève qu’ils ont fermé les yeux sur le fait que durant les années 90 en Israël ce fut essentiellement une période gouvernée par le parti travailliste et le Meretz et non pas une période gouvernée par le Likoud de Sharon et la droite ultra-nationaliste. Entre l’élection de Itshak Rabin en juin 1992 et l’élection de Sharon en février 2001 il s’est écoulé presque six ans au cours desquels le parti Travailliste et le Meretz étaient au pouvoir. Contrairement aux idées reçues alors, ce sont les travaillistes qui sont principalement responsables de la faillite du « processus de paix » dans les années 90. L’Accord de Genève vient de la même école israélienne qui a produit Oslo, dont Beilin, ex-ministre israélien de la justice à l’époque et Abed Rabo ex-ministre palestinien de l’information à l’époque des négociations d’Oslo. Pendant les négociations d’Oslo et les autres, le nombre des colonies et des colons a doublé en violation de la quatrième convention de Genève et des articles 446,465 et 471 du Conseil de sécurité des Nations unies qui demande à Israël de retirer ses colonies. La confiscation des terres palestiniennes par Israël n’a pas cessé. Ariel Sharon a continué et a intensifié systématiquement les politiques de ses prédécesseurs. Les assassinats sélectifs, la destruction des infrastructures palestiniennes, les couvres-feu, le déracinement de centaines de milliers d’oliviers et d’arbres fruitiers, de même que la construction du Mur qui grugera 10% des terres palestiniennes et empêchera de facto la création d’un état palestinien ainsi que l’anéantissement systématique de l’économie palestinienne. L’article 13 de l’accord sur l’économie est encore à écrire. Le contrôle israélien des terres, des villes et pire encore, le contrôle de l’eau et des nappes phréatiques palestiniennes et la vente aux Palestiniens de leur propre eau, sont des éléments importants négligés dans cet accord. Chez les Palestiniens, la peur d’une paix sèche est à l’horizon.
Tout cela se produit pendant que l'on négocie depuis Madrid en 1991 jusqu’à aujourd’hui pendant que j’écris ces quelques mots sur « l’Accord de Genève. » En somme, « L’Accord de Genève » n’examine pas la source du mal pour la déraciner, il ne fait que parler des conséquences du problème et non pas du problème à la base de ce conflit.
Les sources du problème sont d’abord l’occupation militaire où les droits des personnes et les lois internationales nécessaires au fondement d’une paix juste et durable sont bafoués et absents. Tout en mentionnant les résolutions 242 et 338, il n’y a aucun mot qui mentionne le vouloir de mettre fin à l’occupation. Par cet accord, toute lutte du peuple palestinien pour une véritable souveraineté sera considérée illégitime et illégale.
L’autre point est le droit de retour des réfugiés. Aucune reconnaissance de responsabilité d’Israël dans la catastrophe de 1947-1948 qui doit être reconnue comme premier élément du tort fait aux Palestiniens par Israël. Aucune mention de l’application dans sa totalité de la résolution 194 des Nations unies sur les réfugiés. Donc un autre compromis historique aux dépends des Palestiniens. Cette fois, ce sont les droits individuels et collectifs des réfugiés qui sont bafoués. En somme, le droit de retour est bafoué et écarté. Conséquemment, c’est la légitimation d’Israël et de ses actions sur le peuple palestinien. Particulièrement grave dans cet accord est l’article 17 qui demande au Conseil de sécurité des Nations unies et à l’Assemblée générale d’adopter cet accord, ce qui ferait annuler toutes les résolutions précédentes. Abandonner ainsi tous les droits historiques du peuple palestinien et la négation de ses droits au niveau du Droit international et des lois internationales semblent catastrophiques. Cet accord n’apporte aucune véritable justice pour le peuple palestinien.
Plus grave encore est l’article 7 sur les réfugiés où il est dit que cet accord met fin définitivement et de façon permanente à toutes réclamations par les réfugiés palestiniens, et laisse à Israël le choix du nombre de réfugiés dont Israël voudrait accepter le retour chez eux.
L’analyse stratégique des deux accords à travers les stratégies des deux parties.
Après la lecture de ces textes, on peut dégager une analyse stratégique qui coïncide tout à fait avec la psychologie des deux acteurs: Israël dans son élan colonisateur ne peut renoncer à la quête de lui-même, de son “moi originel”, et craint dans cette perspective la création d’un Etat palestinien égal à lui, une crainte qui justifie justement les attaques du Premier Ministre Ariel Sharon contre l’opposition travailliste favorable aux initiatives de Genève. A-t-il supposé qu'en le révélant au public, il saperait ainsi le projet en train de se faire? Ou a-t-il tout simplement sauté sur l'occasion de s'en prendre à la gauche dans l'espoir de détourner l'attention du public des véritables problèmes? En tout cas, il n'avait certainement pas prévu que son discours, prononcé lors d'une réunion électorale, se transformerait en un argument de vente pour un plan de paix israélo-palestinien. Le chef du gouvernement israélien parlait effectivement d’« espoir illusoire » : « De quel droit, ajoutait-il, ces gens de gauche se permettent-ils de proposer des compromis qu’Israël n’a pas l’intention d’accepter et n’acceptera jamais ? » Plus violents, certains de ses ministres ont utilisé le terme de «trahison»... Même l’ancien ministre Ehoud Barak a tenu à participer au concert, dénonçant un document «illusoire» qu’il accuse de «mettre en danger l’Etat d’Israël». Le refus de Sharon se justifie apparemment par les propos du journaliste américain William Pfaff, qui renvoient à toute la politique intérieure israélienne. «Israël, explique-t-il, doit choisir entre trois possibilités. La première est d’accepter le principe sur lequel ce plan de Genève est fondé : se retirer des territoires occupés en 1967 (avec de modestes modifications détaillées dans le plan), de façon à vivre comme une démocratie aux côtés d’un Etat palestinien indépendant. La seconde est de maintenir le contrôle militaire des territoires, tandis que la population palestinienne actuelle, dans les huit ans, dépassera la population juive. Dans ce cas, un Israël démocratique cessera d’être un Etat juif, ou bien l’Etat juif cessera d’être démocratique, dominant (s’il le peut) une majorité arabe de plus en plus large privée de droits civiques. La troisième solution, c’est celle que le gouvernement Sharon a visiblement choisie, avec l’acquiescement de l’administration Bush. Comme le dit Tony Judt, de l’Université de New York, il s’agit pour Israël de devenir “la première démocratie moderne à conduire un nettoyage ethnique à large échelle comme projet d’Etat” et, ce faisant, de devenir un “paria international” permanent”.
A la stratégie de colonisation, de domination et d’annexion entreprise par Israël, les Palestiniens répondent par une stratégie de méfiance, en jouant le jeu aussi bien des Américains que des Israéliens. En effet les Palestiniens qui estiment avoir joué le jeu en répondant aux premières exigences de la communauté internationale sur la nomination d’un Premier Ministre, le démarrage des réformes politiques et les déclarations de principe sur l’arrêt de la violence et le droit à l’existence de l’Etat d’Israël, considèrent donc que le plan de règlement de la feuille de route n’est en fait qu’un prétexte utilisé par les Américains, dans leur lutte contre le terrorisme.
Procédons tout d’abord à l’analyse du contenu des deux accords.
Au niveau d’abord culturel: contrairement à l’accord de Genève, la feuille de route n’insiste pas sur la question de l’identité culturelle des deux populations ; le premier plan excluant le problème de Jérusalem. L’accord secret de Genève tient quant à lui de ce point-clé: Jérusalem est considérée par les deux parties comme sacrée pour les trois religions monothéistes, la ville sera la capitale des deux Etats certes, la dimension culturelle apparaît dans le partage de la Vieille ville de Jérusalem divisée en quartiers en fonction du facteur religieux. Les quartiers chrétien, arménien et musulman comprenant l’Esplanade des Mosquées – Mont du Temple passent sous souveraineté palestinienne. Le quartier juif comprenant le Mur Occidental (Mur des Lamentations) reste sous souveraineté israélienne. Un contrôle international permet le libre accès des fidèles des trois religions à leurs lieux de prières.
On voit d’ores et déjà certaines failles à ce niveau. “Diviser pour mieux régner”, c’est ce qu’on doit comprendre en lisant cette résolution. Premièrement c’est la communauté internationale qui bénéficie de celle-ci puisqu’elle se présente comme la gardienne ou encore comme le gendarme omniprésent de la ville. Par ailleurs à travers cette division le dialogue n’est plus possible. Sans doute cela satisfait-il aussi bien les Palestiniens que les Israéliens, qui semblent avoir acquis une souveraineté sur une parcelle du territoire et qui en quelque sorte les rassure. D’ailleurs n’oublions pas le mur construit à l’initiative israélienne pour empêcher toute relation avec les Palestiniens. Ce mur accentue la volonté israélienne d’avoir une mainmise souverainiste sur Jérusalem, un mur qualifié de “mur de la honte” par les Palestiniens, encore plus méfiants à l’égard de toute concession israélienne.
Il semblerait que le culturel se limite au religieux. A part Jérusalem, le conflit en lui-même se passe entre Juifs et Musulmans. C’est justement à ce niveau qu’il faut le voir. La stratégie territoriale de colonisation est perceptible si l’on retourne dans le passé. Pour Israël, c’est le Grand Israël qu’il faut acquérir. Les Palestiniens eux, musulmans pour la plupart, c’est au nom d’Allah qu’ils réclament leur terre.
Le conflit israélo-palestinien pose par ailleurs le problème de l’inégalité économique, Israël contrôlant presque l’essentiel des Territoires palestiniens. Il concentre donc entre ses mains toute l’activité économique des deux “pays”.
C’est la feuille de route qui explicite le plus les mesures à prendre. Elle prévoit le déblocage des revenus palestiniens, le transfert des fonds palestiniens dans le nouvel Etat créé. Ce dernier disposera d’un ministère de l’économie et des finances qui devra régir les dons provenant de la communauté internationale et surtout des pays arabes. La chambre du commerce sera réouverte. La feuille de route insiste donc sur l’amélioration de la situation humanitaire des Palestiniens, grâce notamment aux Israéliens qui devraient lever le couvre-feu, et permettre les mouvements de personnes d’un territoire à un autre pour développer le marché du travail. La feuille de route favorise le droit au travail des Palestiniens, et surtout la légitimation et la reconnaissance de ces derniers par la communauté israélienne.
Dans l’accord de Genève, on devra comprendre que la vie économique des Palestiniens serait plus ou moins améliorée d’emblée par la création d’un Etat palestinien, mais ceci n’est pas explicité.
Ainsi les négociations portent essentiellement sur des concessions israéliennes au profit des Palestiniens. On comprend en fait que Israël monopolise ce secteur qui fait partie de la stratégie israélienne de contenir les Palestiniens et de les priver de ce qui pourrait être leur atout.
Notons tout de même qu’Israël détient plus de 80% des ressources en eau des Territoires Occupés, l’eau étant un enjeu de taille dans le conflit.
Encore une fois Israël ne se voit pas faire des concessions aussi importantes dans le domaine économique. L’Etat Juif menace l’autonomie des Palestiniens dans ce domaine. On doit rappeler que l’adhésion d’Israël à l’OMC renforce l’atout économique de ce dernier et laisse les Palestiniens craintifs et inquiets devant le fait d’acquérir leurs “biens”.
Si la paix repose sur l’application des mesures prises dans ces accords, et bien c’est chacune des stratégies des deux “gouvernements” qui doit disparaître, des stratégies que l’on retrouve au niveau diplomatique.
Jusqu’à présent la reconnaissance mutuelle des deux parties palestinienne et israélienne n’est inscrite que sur du papier, une reconnaissance que les dirigeants des deux parties semblent avoir oubliée.
La feuille de route prévoit sur le plan diplomatique la normalisation de la vie des Palestiniens par Israël, et entre autre le rétablissement des rapports entre les pays arabes et Israël qui existaient avant le 28 septembre 2000, c’est-à-dire avant le déclenchement de la deuxième Intifada. La signature de l’accord de Genève quant à elle suppose l’application de la notion de coopération entre les deux parties, notamment avec l’instauration d’un coopération comité israélo-palestinien, l’existence d’ambassades dans chacun des deux Etats après la mise en place d’un éventuel Etat Palestinien en 2005, qui devrait aboutir à un dialogue certain.
De cette manière les relations diplomatiques devraient être fructueuses et apaisées, une fois la paix instaurée.
Or il faut tenir compte de la stratégie diplomatique de base, c’est-à-dire avant la création d’un quelconque Etat palestinien.
Il n’a jamais existé de rapport diplomatique entre les deux parties, ni du temps de Arafat, encore moins de celui d’Abou Mazen, qui était en mauvaise posture aussi bien à l’intérieur de l’Autorité que vis-à-vis de ses interlocuteurs à l’extérieur.
Les Etats-Unis qui ont fait pression sur sa nomination n’ont pas pour autant tout misé sur sa capacité à faire avancer les négociations.
Les relations diplomatiques entre Israéliens et Palestiniens après l’échec du processus de paix en 2001 (jusqu’en 2003), et entre Israël et les pays arabes depuis le déclenchement de la deuxième intifada ont pratiquement disparus.
La stratégie diplomatique israélienne est justement de n’avoir aucun contact avec les Palestiniens. C’est une stratégie qui vise, notamment depuis que Sharon est au pouvoir, à ne plus considérer l’OLP, les Palestiniens en général, comme un interlocuteur possible. Toute la politique israélienne repose au contraire sur l’anéantissement des quelques bases d’une quelconque autorité palestinienne (cf stratégie d’isolement de Arafat).
De la même manière les Palestiniens ne voient pas chez les Israéliens une oreille attentive, encore moins des paroles et des promesses vraies et sûres. On retrouve cette méfiance des Palestiniens à l’égard des Israéliens qui remet en cause toute forme de dialogue.
Notons que les relations diplomatiques s’exercent entre la communauté internationale et l’une des deux parties: les Etats-Unis avec Israël essentiellement, l’Union Européenne avec la partie palestinienne le plus souvent. Aussi n’oublions pas que la feuille de route est au départ un projet de la communauté internationale, du Quartet diplomatique en l’occurrence, principal médiateur du conflit israélo-palestinien, favorable à un plan de paix et surtout à la création d’un Etat Palestinien.
Enfin avant de déboucher à la nouveauté de ces accords – l’Etat palestinien – la stratégie militaire illustre la stratégie globale des deux “camps”.
La feuille de route aussi bien que l’accord de Genève prévoit des mesures concernant la sécurité qui passe par le retrait israélien, et les colonies. Israël devra retirer l’ensemble de son personnel et de son matériel militaire et de sécurité de Cisjordanie et de Gaza. Une présence militaire sera maintenue dans la vallée du Jourdain. Deux stations israéliennes d’alerte avancée sous la protection de la Force multinationale seront implantées dans le nord et le centre de la Cisjordanie. Le retrait israélien devra être effectué des territoires occupés depuis le 28/09/2000. A ce retrait s’ajoute la suspension de la colonisation (cf rapport Mitchell): Israël aura la charge de réinstaller ses citoyens habitant les colonies de Cisjordanie et de Gaza hors du territoire de l’Etat palestinien. Il s’engage à conserver intactes les propriétés et infrastructures des colonies évacuées jusqu’à leur transfert sous souveraineté palestinienne.
Quant à la sécurité, la feuille de route prévoit la démilitarisation des groupes terroristes, et la restructuration de services de sécurité palestiniens, et surtout une coopération au niveau sécuritaire entre Palestiniens et Israéliens pour mettre fin aux violences. Toutefois Israël a libre cours à la violence en cas de désarmement et de légitime défense. Cette dernière précision met l’accent sur une certaine supériorité militaire israélienne, déjà redoutée depuis le début, Tsahal étant la première armée régionale, au niveau de la stratégie militaire.
Ainsi si Israël entend préserver sa souveraineté et son objectif de réaliser le Grand Israël, donc de rester fidèle à sa stratégie expansionniste, les points des deux accords sont loin de se réaliser.
La stratégie d’expansion est essentiellement caractéristique de la stratégie militaire, qui illustre la force et la supériorité israélienne par rapport aux Palestiniens, qui n’ont pas de moyens militaires pour mettre en place une stratégie à part le fait de lancer des pierres sur les chars israéliens.
Ces différentes concessions (retrait, fin de la violence, rééquilibrage plus ou moins nuancé des forces…) vise en fait à instaurer un Etat palestinien autonome, ayant des institutions viables, démocratiques. La feuille de route parle d’organiser des élections libres, de rédiger une constitution, d’élire un Premier Ministre, évidemment avec l’aide des Israéliens. Cet Etat palestinien devient plus palpable dans l’accord de Genève. Il est censé remplacé l’OLP. Ses frontières doivent être reconnues par Israël et la communauté internationale.
Cette dernière phase entre évidemment dans l’analyse stratégique des deux accords dans la mesure où si Israël accepte de se retirer des territoires occupés, il ne veut pas parler du droit au retour des réfugiés palestiniens auquel les Palestiniens doivent renoncer, et auquel pourtant ils tiennent tant. L’accord de Genève évoque certes la questions des réfugiés, mais pas le droit au retour.
Certes, lesdits accords et déclarations ont un caractère informel, puisque à leur préparation n'ont pas participé les représentants officiels d'Israël et de l'Autorité Palestinienne. Cependant, nous croyons que le travail fait a été utile. Il a permis de démontrer la capacité des Palestiniens et des Israéliens de trouver en commun des variantes du règlement des problèmes gravissimes et de chercher une alternative raisonnable à la confrontation de force.
Ces résultats ne contredisent pas la «feuille de route», qui est aujourd'hui le seul programme réel de l'avancement au règlement, basé sur le concept de la coexistence des deux états - Israël et la Palestine - en paix et en sécurité. Mais, dans le même temps, la «feuille de route» ne stipule pas dans le détail les issues éventuelles des problèmes fondamentaux du statut définitif, tels que Jérusalem, les réfugiés, les frontières. A ce propos, nous croyons que, quand commencera la mise en pratique de la troisième étape de la «feuille de route», qui suppose le début des négociations officielles entre les parties sur les problèmes du statut définitif, «l'Accord de Genève», au même titre que la déclaration A.Ayalon-S.Nusseibeh pourront être demandés.
Les deux accords sur la paix confirment les stratégies des deux parties. On assiste à une synergie à tous les niveaux qui aboutit à une réalité. Israël mène depuis le début une stratégie de colonisation, d’expansion et surtout de confrontation à l’égard des Palestiniens. En s’attaquant à la gauche israélienne, Sharon s’attaque à l’accord de Genève et donc à la paix, sans doute par peur de voir s’écrouler le projet du Grand Israël.
Cette attaque a en fait donné le coup de pouce à une décision stratégique qui couvait chez les Palestiniens, abattre toutes leurs cartes devant un groupe d’Israéliens pas autorisés à offrir quoi que ce soit. La feuille de route comme l’accord de Genève accentue la méfiance des Palestiniens vis-à-vis des Etats-Unis. L’initiative diplomatique qui se met en place autour de la feuille de route que les Américains veulent promouvoir comme base de règlement du conflit israélo-palestinien semble déjà aux yeux de l’opinion palestinienne être un document de plus qui finira comme les autres plans présentés depuis le début de l’intifada dans les archives de la diplomatie internationale. Les Palestiniens ont effectivement l’impression que leur voix n’est entendue que dans la mesure où elle s’accorde à la volonté du gouvernement israélien. Vue de Ramallah l’ambition des USA n’est pas de mettre un terme définitif au conflit mais plutôt d’obtenir à court terme un arrêt de l’activité terroriste. C’est pourquoi ils sont déjà convaincus que le secrétaire d’Etat Américain sera prêt à se contenter d’une simple reprise du dialogue sécuritaire entre Israël et l’Autorité palestinienne, sans pousser plus loin la recherche d’une solution. La stratégie palestinienne repose donc sur une prise de distance vis-à-vis des interlocuteurs, sans doute les dirigeants pragmatiques de l’Autorité palestinienne ont compris qu’en tenant secrètes leurs positions, ils provoquaient une incertitude dans l’opinion publique israélienne et affectaient ses espoirs de paix.
Enfin si les deux parties ont signé l’Accord de Genève, l’espoir est loin de renaître. Le chef de gouvernement israélien préfère repousser l’échéance du dialogue pour laisser Tsahal continuer d’agir directement contre les mouvements terroristes. Pour les Palestiniens, notamment les dirigeants de l’intifada d’Al Aqsa, la signature est essentiellement un signe de lutte pour la succession politique.
L’échec diplomatique des deux accords est relatif aux stratégiques adoptées aussi bien par les deux parties impliquées dans le conflit, mais aussi des puissance n’hésitent pas à appuyer inconditionnellement le conflit pour leurs propres intérêts. La stratégie militaire de Tsahal, ainsi que la stratégie suicidaire du Hamas se placent sous le signe du refus de l’application d’un quelconque accord.
La parole aux peuples
En comparaison avec les processus précédents, l’initiative de Genève donne davantage la parole aux peuples, israélien et palestinien. Premièrement, parce que contrairement à l'opinion établie, il y a un partenaire à qui parler malgré les milliers de morts depuis trois ans. Deuxièmement, il ne faut pas oublier l'autre initiative, l'appel au peuple, la campagne de signatures dans les deux peuples et qui, à ce jour, a recueilli des milliers de signatures chez les israéliens comme chez les palestiniens. La campagne a été lancé par l'Israélien Ami Ayalon et le Palestinien Sari Nusseibey. Les autorités américaines officielles ont même encouragé cette initiative.
Ce qui est intéressant dans ces accords, c'est que, précisément, ils vont jusqu'au bout des rêves et des utopies des uns et des autres, les affrontent et établissent la part de compromis et de sacrifice que chaque partie doit faire. En effet, Israéliens et Palestiniens semblent prêts à vouloir la paix et surtout à la construire. Le journal «Ha'aretz», quotidien de centre gauche favorable à la paix, a publié un sondage sur Genève. Le résultat: 38% contre, 32% pour (1). Cependant 20% des sondés n'expriment pas d'opinion et 11% ne le connaissent pas. L'écart entre les pour et les contre n'est donc pas significatif et cela laisse donc une certaine marge de manœuvre pour les négociateurs de Genève. Sur les colonies isolées, près de 60% des sondés sont en faveur de leur évacuation.
Aussi bien les Palestiniens que les Israéliens, tous deux sont conscients qu’il y a des concessions, voire des sacrifices à faire quant à résoudre le conflit. Sur le point par exemple du “partage” de Jérusalem, il faut préciser que, pour l'opinion israélienne, c'est un réel sacrifice mais il faut aussi noter que la division de Jérusalem est une réalité de fait. Ainsi, sur ce que les juifs appellent le mont du Temple, et les musulmans l'esplanade des mosquées, la gestion de ce lieu sacré pour les deux religions est aux mains du Waqf, c'est-à-dire l'administration musulmane des biens de main morte. Le Waqf pourra interdire aux visiteurs juifs l’accès au sommet du Mont du Temple ce qui bouleverse les pratiques religieuses et le respect des traditions sur ce site Article 6 Paragraphe 5b, aussi bien pour les musulmans que pour les juifs.
Bien que les Accords intérimaires d’Oslo se réfèrent au respect « des pratiques religieuses » et « des droits religieux des Juifs » sur les sites religieux, Annexe III Chapitre 1 Article 32, l’ « Initiative » mentionne seulement l’ « accès » Article 10. On rappellera que c’est là le point de vue du mufti de Jérusalem nommé par l’Autorité palestinienne, comme celui de tous les religieux palestiniens. Pour eux, les Juifs doivent avoir « accès » aux Lieux Saints comme les tombeaux des Patriarches, à Hébron ou le tombeau de Rachel à Bethlehem. Mais il serait blasphématoire que des Juifs, ou des infidèles en général, prient dans ces lieux qui sont de véritables lieux saints de l’Islam, à savoir des mosquées.
Je dirai pour conclure que, tout comme les Palestiniens, la majorité des Israéliens semble vouloir en finir avec cette “guerre”, qui dure depuis assez longtemps. Les populations ont soif de paix, de calme, et de sécurité.
Toutefois comment envisager une paix sur laquelle les responsables ne parviennent pas à se mettre d’accord?
La paix ne se fera, et on tous d’accord, que si un Etat palestinien est mis en place, un Etat que Sharon et ses partisans ne peuvent concevoir.
Ainsi si la “Feuille de route” a échoué, l’accord de Genève via son contenu – un Etat palestinien crée au côté de l’Etat d’Israël dans les frontières d’avant 1967, Jérusalem, capitale des deux Etats, une solution au problème des réfugiés – se présente comme une chance qu’il faut saisir de suite quant à entamer une paix tant espérée.
Mais on doit se positionner face à une réalité. La signature de l’accord de Genève n’a pas satisfait tout le monde. 39% des Palestiniens, selon les sondages, ont approuvé le projet d’accord; une “solide minorité” d’Israéliens seulement croient toujours qu’une paix est possible.
La réalité, c’est aussi les nombreux attentats-suicides, qui se succèdent depuis quelques semaines. L’insatisfaction règne, notamment autour des groupes extrémistes.
Je pense qu’il faut rester lucides, sans toutefois plonger dans un scepticisme, voire un pessimisme qui verrait la violence et la haine prendre de l’ampleur, d’autant plus que les “ennemis” de ce plan de paix, auquel nous tenons tous, rendent la tâche plus difficile.
L’accord en lui-même est très favorable à la fin des violences et à l’établissement de la paix entre Israéliens et Palestiniens. Sa mise en oeuvre demeure aux yeux de tous un problème qu’il faut d’emblée résoudre.
Bibliographie
Jean Daniel, “Israël-Palestine, une lumière enfin révolutionnaire”, Le Nouvel Observateur, no 2033, pp. 54-55 et p. 74,
Josette Alia, Henri Guirchoun, “Israël-Palestine, la paix possible”, Le Nouvel Observateur, no 2035, pp. 28-32,
Peretz Kidron, “Sharon opts for the road map”, Middle East International, no 701, pp.4-5
Akiva Eldar, “Dans les coulisses de l’Accord de Genève”, Ha’aretz, 14 octobre 2003
“Israël-Palestine: l’espoir de Genève”, Le Monde Diplomatique, décembre 2003, pp. 18-19
Dominique Vidal, “Un espoir à Genève”, Le Monde Diplomatique, 23 octobre 2003
Dante Sanjuro, “La Feuille de route dans le mur”, Politis, no 766
Webographie
The Geneva Accord
http://www.nad-plo. org/cigeneva.php
Elements of performance
Based road map to “promote two-state solution to the Israeli-Palestinian conflict” provided via: www.mofa.gov.ps/key_ decuments/road_map3.asp
cartographie
http://www.monde-diplomatique.fr /cartes/propositionsgeneve2003
خريطة الطريق واتفاق جنيف: اي امل في السلام؟
ترى الباحثة أن العام 2003 تميّز بإعادة إطلاق مسيرة السلام بين الإسرائيليين والفلسطينيين بعد توقفها إثر فشل المفاوضات عام .2001 فقد تصاعد الدخان الأبيض بفضل "خريطة الطريق" ثم "اتفاق جنيف" اللذان حظيا بدعم من الرباعي الدولي (الكوارتيت) الممثل بالولايات المتحدة الأميركية والاتحاد الأوروبي وروسيا الاتحادية والأمم المتحدة. لكن تحقيق السلام كان يحتّم تنازلات أساسية من قبل فريقي النزاع، في حين ان كلاهما كان متشبثاً بمواقفه. فالصراع بينهما كان صراع وجود، وبالتالي فالتنازلات المطلوبة كانت بالنسبة لكليهما، غير منصفة.
بخصوص "خريطة الطريق": نصّت خريطة الطريق على روزنامة تنفيذية يلتزم بها الطرفان تحت إشراف الرباعي الدولي. وكان لا بد من مفاوضات صريحة وعميقة بين الجانبين للتوصل إلى إقامة دولة فلسطينية إلى جانب الدولة الإسرائيلية، على أن يتم ذلك عبر مراحل، أولاها وضع نهاية للإرهاب والعنف وذلك حتى أيار 2003، وتلي المرحلة الثانية حيث ستتركز الجهود على إقامة دولة فلسطينية ذات سيادة تقوم على مفاهيم التسامح والحرية، ثم تلي مرحلة وضع صيغة نهاية دائمة للصراع الإسرائيلي الفلسطيني.
لكن الوقائع على الأرض جعلت "خريطة الطريق" تصطدم مباشرة بجدار الفشل، لا سيما برفض الإسرائيليين وضع نهاية لإقامة المستوطنات. وخلافاً لكل منطق ولروح العدالة، اتجهت الضغوطات الأميركية لتضييق الخناق على الفلسطينيين، ما دفع بهؤلاء إلى تفضيل مشروع منظمة "حماس" المتشدد.
وطالما أن خريطة الطريق قد جرى طرحها بعد الحرب على العراق، فقد كان من الطبيعي أن تتعرض للفشل بقدر ما تعرضت له السياسة الأميركية في العراق.
بخصوص اتفاق جنيف:
ويقدم في إطاره العام على مقررات السلام التي اتفق عليها في مدريد 1991، والقائمة على مبادئ « أوسلو » واتفاقات « وايت ريفر » و "شرم الشيخ"، التي تعتبر استكمالاً لاتفاقيات "كامب دايفد" و"طابا".
يهتم الاتفاق بمعالجة مسائل: الدولة الفلسطينية، المستوطنات الإسرائيلية، وضع القدس، وضع اللاجئين، وموضوع الأمن.
ورغم الأحاديث المتفائلة فإن مستقبل الاتفاق كان يبدو مقفلاً منذ البداية. فلكي يبلغ أي اتفاق نهاياته الإيجابية، لا بد له أن يقدم العدالة لكلا طرفيه. وهذا ما لم يقدمه الاتفاق، فحتى خلال مفاوضات أوسلو أساساً، نشط الإسرائيليون في مضاعفة المستوطنات، خارقين بذلك صراحة البند الرابع من ميثاق جنيف والبنود رقم 446 و465 و471 من قرارات مجلس الأمن الدولي. والأخطر من ذلك ما يتعلق بقضية اللاجئين حيث نصّ الاتفاق على وضع نقطة النهاية لمختلف مطالب اللاجئين، مانحاً إسرائيل الحق في اختيار العدد الذي يطيب لها أن تقبله منهم.
الواقع أن "خريطة الطريق" تعرضت للإجهاض منذ البداية، في حين أن اتفاقية جنيف كانت مهددة بالفشل ما لم يتم تطبيقها بسرعة. إلا أن الوقائع على الأرض، سواء التطرف الإسرائيلي الحاد والذي بلغ أعلى مستوياته مع بناء جدار أو ما أسمته المجموعة الدولية "حائط العار"، أو الإصرار الفلسطيني على المطالب المعلنة، هذه الوقائع لم تأتِ في صالح خطة السلام التي بدا أن رئيس الحكومة الإسرائيلية، آرييل شارون، لم يكن متحمساً لتطبيقها، خصوصاً وانه أعلن مواقف مدمرة لها بخصوص جملة الأمور الأساسية التي تشكل لب الخلاف مع الطرف الآخر.