L’impact de la présence américaine dans le Golfe Arabe

L’impact de la présence américaine dans le Golfe Arabe
Préparé par: Bachir El-KHOURY
Chercheur.

Le Moyen-Orient dans la nouvelle donnée internationale
Les changements internationaux engendrés par la fin du conflit bipolaire n’ont sûrement pas survenu d’une manière brusque et inattendue. Déjà, depuis les débuts des années 1980, les problèmes internes à l’empire soviétique, en plus des mauvaises conditions économiques, ont ouvert la voie à la politique réformiste de Gorbatchev qui a eu comme conséquence un déséquilibre entre la politique intérieure et la politique étrangère. Le nouveau tracé de la politique étrangère soviétique a été bien clair au Moyen-Orient qui, depuis pratiquement la moitié des années 1980, a connu une sorte de déclin du communisme.
A commencer par l’Intifada palestinienne dans les territoires occupés, les différentes parties à ce conflit étaient épuisées, surtout que l’intérêt que portait l’opinion publique internationale à cette question diminuait avec la fin de la guerre froide. Le monde assistait avec impatience à l’effondrement de l’équation bipolaire, et les Etats-Unis orientaient leurs préoccupations envers l’Europe, première scène sur laquelle le grand changement international prenait place.
La politique étrangère soviétique de l’époque était en pleine transition. Moscou, qui auparavant soutenait les Arabes dans la lutte contre Israël, entendait adopter une politique impartiale en incitant Israéliens et Arabes, à abandonner la situation conflictuelle en essayant de trouver un compromis qui garantirait et  les intérêts des pays arabes, et des Palestiniens, ainsi que des Israéliens. La position soviétique s’est surtout ressentie à travers les relations syro-soviétiques: L’URSS critiquait la Syrie pour sa quête de puissance régionale dans le but de faire face à Israël. Les Soviétiques étaient convaincus qu’une telle politique syrienne détournerait ainsi l’intérêt que tout le monde avait de voir  s’installer la paix au Moyen-Orient. La manière de voir soviétique eût pour conséquence un rapprochement israélo-soviétique concrétisé par l’émigration massive des juifs soviétiques en Israël. Par ailleurs, Moscou cessa le transfert d’armes à Damas, initiative qui sera considérée par les pays arabes comme la manifestation de la nouvelle politique étrangère soviétique. L’Union Soviétique perdant de son hégémonie, la région moyen orientale était pratiquement tombée entre les mains des Etats-Unis, l’allié principal et incontestable d’Israël: ennemi juré des Arabes.
Le nouvel état de fait international dévoila fort bien un grand changement de la carte politique moyen orientale, d’où notre intérêt de traiter, d’abord dans le chapitre I intitulé: nouvelle politique étrangère et processus de paix au Moyen-Orient, les relations israélo-américaines et les nouvelles relations arabo-américaines, et ensuite, nous verrons s’inaugurer les pourparlers de paix israélo-arabes, sous un patronage américain.

 

I : Nouvelle politique étrangère américaine et processus de paix au Moyen -Orient

Avec le recul de la politique soviétique au Moyen-Orient, il était évident que les Etats-Unis prennent la relève. Ceci s’est bien révélé avec l’ampleur de l’intervention américaine pour "la libération du Koweit", et la mise à terme des ambitions irakiennes. Mais, cette nouvelle manière d’action américaine, loin de résonner simplement dans le Golfe, a eu ses répercussions sur toute la région, donc sur toutes les questions politiques auxquelles les différentes parties de la région faisaient face. Encore faut-il dire que la problématique majeure qui a ressorti les traits principaux de la nouvelle phase qui attend l’avenir du Moyen-Orient, est celle du conflit israélo-arabe dans ses trois volets: le premier israelo-palestinien, le deuxième syro-israélien et libano-israélien, et le dernier,  celui  des  pourparlers  multilatéraux,  étroitement  lié  aux deux premiers dans le sens d’un consensus en vue d’une paix durable dans la région.
Le nouveau schéma relationnel qu’a entrepris les Etats-Unis au Moyen-Orient passait intrinsèquement par leur allié principal: Israël. En second lieu, les relations arabo-américaines expérimentaient une nouvelle piste: d’une part, les pays arabes constatant la défaite internationale du bloc soviétique, essayaient de gagner la confiance du nouveau gendarme international se retrouvant, seul, maître de la situation pour leur part, les Etats-Unis oeuvraient à garder la légitimité de leur présence massive dans la région, et n’étaient pas du tout réticents à une nouvelle ouverture sur les pays arabes. Ceci s’est bien reflété par leur rapprochement de certains régimes, qui étaient, hier encore, considérés comme leur pire ennemi, à commencer par la Syrie d’Assad. Toute cette nouvelle manière américaine de concevoir la région, était rangée sous un seul et unique slogan, celui de rapprocher au maximum les parties au conflit israélo-arabe. La conférence de Madrid avec toutes les suites qu’elle eût, fut la preuve de l’existence de ces nouvelles relations arabo-américaines, en plus de la place importante qu’Israël occupe au sein de la politique que les Etats-Unis entendent pratiquer dans une région représentant pour elles un intérêt d’ordre primordial.

 

A - Relations israélo-américaines et nouvelles relations arabo-américaines.

Le début des années 1990 s’annonce être une période charnière dans l’histoire contemporaine du Moyen-Orient. Les nouvelles données survenues sur la scène internationale avec la chute du "modèle" soviétique, ont créé de nouvelles hypothèses pour la région, qui comportaient autant de soucis que d’espoirs, pour les pays arabes ainsi que pour Israël.
Pour leur part, les pays arabes, comme nous l’avons déjà dit, éprouvaient une méfiance face à l’avenir: leur ancien allié international leur permettant jadis de poursuivre la lutte contre Israël, s’était retiré peu à peu de sa position pour marquer un revirement expliquant son malaise. Il les laissa devant le fait accompli: celui de traiter avec les Etats-Unis qui oeuvreraient, avant tout, à assurer les intérêts d’Israël dans la région. Mais devant le danger de voir un nouveau pôle arabe émerger, l’Irak l'emergence du pôle israëlien inquiétait les autres pays arabe en l’occurrence, rendait les Arabes encore plus inquiets, ce qui les poussa à s’aligner sur les positions de l’allié de leur ennemi israélien.
Quant au volet israélien, l’inquiétude se ressentait sur le plan de la présence militaire occidentale dans les pays arabes, procurant à ces derniers un arsenal d’armements qu’ils ne possédaient pas jadis, comme  nous avons eu l’occasion de le souligner  dans la première partie de notre travail (cf Défense Nationale). Concernant les espoirs, ils se mêlaient aux inquiétudes chez les trois pôles déjà cités, et tournaient dans l’orbite d’une éventuelle issue à un conflit qui a duré un demi-siècle.
Pour tenter d’expliquer ce nouveau mélange des cartes régionales, il s’avère incontournable d’examiner le Moyen-Orient en le plaçant sous l’angle israélien.

 

1 - Stratégie israélienne au Moyen-Orient

Parler pour Israël d’une stratégie et une seule pour un Moyen-Orient tel qu’il l’entend, serait exessif. Mais, il est préférable de considérer un angle d’analyse ayant eu de grands échos pendant les années 1980, et pouvant nous servir d’outil opérationnel pour  tirer des conclusions compatibles avec les nouvelles données de la scène régionale.
Nous entendons par-là le fameux projet israélien qui consistait à canaliser les contradictions existantes dans le Monde Arabe, de manière à satisfaire les intérêts, à long terme, de l’Etat Hébreu.
Ce point de vue a été rendu public par le Département de la Propagande de Jérusalem (organisation sioniste mondiale), par un rapport rédigé sous forme d’article dans la Revue Kivunim (orientations) numéro 14, Fevrier 1982. L’auteur de cet article intitulé «la stratégie pour Israël pour les années 1980» n’est autre que Oled Yinon, ancien fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères israélien.
Pour Yinon, le monde islamique est incapable de résoudre ses problèmes fondamentaux, et par conséquent, il ne peut être une véritable menace  pour Israël à long terme, il l’est cependant à court terme en raison de sa puissance militaire. Le rapport deYinon a surtout mis l’accent sur : l’Egypte, le Liban et la Syrie, l’Irak et finalement la Jordanie.
Concernant l’Egypte, l’auteur se place aux antipodes des accords de paix qu’il traite de «malencontreux». Pour lui, il est d’importance vitale pour Israël de regagner le Sinaï avec ses ressources potentielles, et sa position de «réserve stratégique économique et énergétique» à long terme. La voie directe à la réalisation de cet objectif serait que l’Egypte fournisse à l’Etat d’Israël un prétexte justifiant une reconquête militaire. Mais, Israël ferait mieux d’adopter la voie indirecte et, de profiter au maximum de l’Effritement économique de l’Egypte et de  ses tensions intérieures, entendant par-là le fait de miser sur un clivage communautaire explosif entre chrétiens et musulmans, ôtant le pouvoir au gouvernement central. On aura alors un Etat chrétien Copte en Haute Egypte, et un certain nombre d’Etats faibles, au pouvoir très circoncis, au lieu du gouvernement central actuel; c’est le développement historique logique et inévitable à long terme, retardé seulement par l’accord de paix en 1979.
Yinon n’en reste pas à l’Egypte. En effet, pour lui, la décomposition du Liban en cinq provinces montre le sort qu’envisage le monde arabe dans sa totalité, y compris l’Egypte, la Syrie, l’Irak et le reste de la péninsule Arabe. Pour lui, c’est déjà un fait accompli au Liban (il faut là, revenir à l’année 1982 et considérer, selon les événements de l’époque, l’analyse de Yinon). L’objectif prioritaire d’Israël à long terme serait de faire subir à la Syrie une destinée pareille à celle qu’a connue le Liban. A court terme, la dissolution militaire est recommandée, il entend par là, l’écrasement par des opérations militaires. La configuration de la division syrienne sera alors: sur la côte, un Etat Alaouite Chiite, la région d’Alep un Etat Sunnite, celle de Damas un autre Etat Sunnite hostile à son voisin du Nord, en plus d’un Etat Druze s’étalant jusqu’au Golan, dans le Haouran et en Jordanie du nord, cet Etat garantira paix et sécurité, à long terme, dans la région.
Arrivant à l’Irak, Yinon considère ce pays comme «un terrain de choix pour Israël», il est riche en pétrole et en proie à de graves dissensions internes. Donc, il sera important pour Israël de voir l’Irak se démanteler. L’auteur est allé jusqu’à dire que la désintégration de l’Irak est plus importante pour Israël que celle de la Syrie, le pouvoir irakien étant celui qui menace le plus, à court terme, la sécurité d’Israël. Cet argument serait ainsi utile à l’explication de la livraison d’armes israéliennes à l’Iran pendant la première guerre du Golfe. Finalement l’intérêt suprême d’Israël serait de voir l’Irak se diviser en trois Etats, se constituant autour des villes principales : Bagdad, Moussoul  et Basserah.
Le stratège israélien finit son rapport en parlant de la Jordanie qui est pour Israël, un objectif stratégique à court terme. La mise est sur la fin du long règne du roi Hussein qui engendrera l’effondrement de la Monarchie et son remplacement par un pouvoir palestinien ce qui, pour Israël, sera de moins en moins menaçant. La tactique sur le plan militaire devrait être la liquidation du régime jordanien et le transfert du pouvoir à la «majorite jordanienne».
Cette hypothèse aurait pour but d’écarter tout plan d’autonomie palestinienne, de proposition de compromis passant par le partage des territoires. Et, pour finir son raisonnement, Yinon affirma que «(…)les Arabes ne connaîtront ni existence, ni sécurité qu’une fois établie la domination juive depuis le Jourdain jusqu’à la mer. Ils n’auront une nation propre et la sécurité qu’en Jordanie».
La manière de voir israélienne, qui fut au début des années 1980 maîtresse du jeu stratégique d’Israël, prête actuellement à plus d’un commentaire.
Concernant l’Egypte, Yinon considère les accords de Camp David comme une erreur historique. Mais, il faut mentionner à cet égard que ces accords ont été de grande utilité à Israël, surtout qu’ils ont servi à neutraliser le front le plus dangereux et le plus menaçant pour l’Etat Hébreu. Le front égyptien étant neutralisé, Israël a pu intégrer les territoires occupés, attaquer le Liban et y instaurer une zone de sécurité dans le but de protéger sa frontière nord, tout ceci se passant avec un grand soutien américain, puise sa source principale dans le fait qu’Israël avait fait preuve de bonne foi (aux yeux des Etats-Unis) en concrétisant sa volonté pour la paix. Il est bon de noter là que la part de l’aide américaine accordée annuellement à Israël représente 50% du total de l’aide américaine au tiers-monde. Ainsi, la mise à l’écart de l’Egypte dans le conflit israélo-arabe a ouvert la voie à Israël pour mener des opérations militaires contre l’OLP au Liban (invasion de 1982), et de poursuivre le peuplement de la Cisjordanie. Pour ce qui est de l’actualité, donc après la réintégration de l’Egypte au sein de la communauté arabe, nous ne pouvons pas passer outre le rôle que ce pays phare joue dans le sens du rapprochement des points de vue pour aboutir à une paix durable dans la région. L’influence égyptienne était à un sens triple: un rôle catalyseur dû aux bonnes relations avec les Etats-Unis et encouragé par cette dernière, une grande influence sur les pays arabes suite à la réintégration arabe de l’Egypte avec la seconde guerre du Golfe, et enfin, le premier pays arabe à avoir conclu la paix avec Israël, le plus apte donc à créer un rapprochement entre les deux parties au conflit.


Pour ce qui est du Liban, il faut dire que la stratégie israélienne n’a pas été des meilleures. Déjà, l’invasion israélienne de 1982 a engendré une résistance (sous plusieurs formes) qui épuisa l’armée israélienne présente au sud Liban depuis 1978; cette résistance fut couronnée par un retrait israélien total du Liban suite à une double pression: d’abord interne, l’opinion publique israélienne se  trouvait dernièrement opposée à cette présence jugée inutile, et ensuite externe, celle de la résistance islamique qui arriva à démoraliser Tsahal et l’ALS (milice libanaise pro-israélienne). Tout cela sans parler, par prudence, de l’intérêt tactique qu’Ehud Barak entend donner à ce retrait survenu rapidement les deux dernières semaines du mois de Mai 2000, à un moment où les négociations israélo-arabes dans leurs volets libanais et syrien se trouvaient en difficulté.
Pour en revenir aux mauvais calculs de Yinon, qui a misé sur la désintégration du Liban, ce pays qui depuis 1990, après 15 années de guerre ayant duré quinze ans, s’est trouvé réunifié, tentant un consensus interne, et canalisant tous les efforts dans le sens de la légitimation de la résistance islamique, une légitimation qui atteint son paroxisme en 1996 avec le massacre de Cana lors de l’opération «Raisins de la Colère»; nous ne parlerons pas là des relations syro-libanaises pour ne pas dépasser les frontières du sujet traitant de la stratégie israélienne.
Les calculs israéliens des années 1980 à propos de l’Irak ont peut être été les plus proches de ce que la situation de ce pays est devenue. Mais les raisons semblent être bien differentes de celles prévues par les stratèges israéliens qui  ne pouvaient pas prévoir, au début de cette huitième décennie, la seconde guerre du Golfe. Mais, l’Irak reste actuellement le seul pays de la région dont l’avenir est incertain: après la guerre de 1991, le blocus et ses effets néfastes, l’autonomie Kurde au Nord, nous nous demandons ce que la période prochaine réserve à ce pays à majorité Chiite gouverné par une minorité Sunnite, et par un régime politique maintenu par un état de fait pouvant être, du jour au lendemain, renversé.
Enfin, concernant la Jordanie et l’autonomie palestinienne, il paraît que les israéliens ont vu les choses se passer dans un sens qu’ils n’auraient pas souhaité. La mort du roi Hussein l’an dernier n’a pas provoqué de troubles internes. Ceci est peut- être dû à deux facteurs: l’un endogène et l’autre exogène. Le premier, celui de la désignation d’un nouveau Prince héritier;en effet, le choix du roi Abdallah II était très significatif dans le sens de la transition démocratique. Le second, exogène, est dû à la conclusion de la paix avec Israël, ce qui ne serait point sans donner à la Jordanie une place exceptionnelle et crédible dans les relations extérieures des Etats-Unis.
Pour conclure, concernant le volet palestinien, contrairement aux previsions des plans stratégiques israéliens, le processus de paix a été lancé à Madrid en 1992, les Palestiniens ont trouvé une plate-forme commune avec les Israéliens qui ont finalement cédé à l’idée de l’Autonomie, et peut être cèderaient-ils en septembre à l’idée d’un Etat palestinien.
Mais, les calculs israéliens des années 1980  auraient pu être appliqués si le conflit bipolaire avait duré, et si les Etats-Unis ne s’étaient pas installés massivement dans la région. Leur présence aussi proche constitue une garantie à la sécurité d’Israël, ce qui a servi à briser l’intransigeance israélienne de se lancer sur le chemin de la paix. Reste à s’interroger sur le rôle des Etats-Unis dans le processus de paix: un rôle prétendu de médiateur, mais qui aussi, pourrait être considéré comme un alignement sur les positions israéliennes.

 

2 - Les Etats-Unis d’aujourd’hui, rôle de médiation ou alignement sur les positions d’Israël ?

Il serait classique d’examiner les relations israélo-américaines sous l’angle de l’aide économique, des relations exceptionnelles de ces deux pays depuis la création de l’Etat d’Israël ou alors de l’influence qu’exerce le lobby juif aux Etats-Unis sur l’Administration américaine. Ces facteurs ayant été pleinement analysés et connus, nous aborderons cette relation d’un autre point de vue. Notre problématique nous permet de considérer l’influence de la présence militaire américaine sur les principales questions politiques que la région affronte. Nous dégagerons l’essentiel des relations israélo-américaines à partir de la présence américaine dans le Golfe, ainsi que de la réaction qu’Israël a eue vis-à-vis de la seconde guerre du Golfe, suite à la présence tranquillisante du «grand frère».
Au début de la seconde guerre du Golfe, et depuis la présence de la coalition occidentale dans la région, Saddam Hussein joua la carte israélienne dans un essai de rassembler autour de lui les Arabes. Ces derniers avaient échoué à trouver une solution au problème irako-koweitien, et avaient pleinement consenti à une intervention occidentale «au nom du droit». Saddam Hussein ayant tout de suite menacé de brûler la moitié d’Israël, la riposte de ce dernier ne se fit point attendre. «Nous ne serons pas l’agneau qu’on sacrifie à cette coalition contre Saddam Hussein», déclara un officiel de l’Etat Hébreu(1). Cette déclaration fut secondée par une contre-menace de la part du Premier ministre Shamir, qui ne manqua pas de fermeté en affirmant que l’Irak paierait un prix terrible au cas où il attaque Israël, et que les responsables irakiens savent très bien l’ampleur d’une réaction israélienne à une telle attaque. Mais, l’inquiétude du gouvernement israélien ne résidait pas dans la  possibilté qu’avait l’Irak de dépasser le simple envoi de scuds, en  utilisant des armes non conventionnelles. La vraie inquiétude était de voir réussie, une médiation dans la crise du Golfe, qui aboutirait à un retrait américain de la région, laissant seule Israël face à l’ogre irakien.
A cet égard, les Etats-Unis s’étaient engagés dans notre région d’une nouvelle manière, malgré les relations exceptionnelles qu’ils entretiennent avec Israël. Ils  avaient pour but de voir un processus de paix israélo-arabe en marche vers une éventuelle solution. Pour cette raison, l’Administation américaine ne fut pas des plus tolérantes envers Israël: profitant du besoin que l’Etat Hébreu avait de voir se perpétuer une présence américaine face au maître de Bagdad, les Etats-Unis tentèrent de faire pression sur le gouvernement israélien. Ces pressions se sont rendues claires par un message cru envoyé par James Baker, au ministre israélien des Affaires étrangères David Lévy, suite à la condamnation de la répression de Jérusalem en 1990, par le Conseil de Sécurité de l’ONU. S’adressant aux israéliens il affirma: «si vous ignorez la résolution du Conseil de Sécurité, certains vous compareront, même si cela n’est pas justifié, à Saddam Hussein et son rejet cadite résolution du conseil»(2).
Suite à cet événement, le gouvernement israélien commença à définir l’attitude qu’il adoptera vis-à-vis du conflit: un «profil bas» auquel les Etats Unis lui demandaient constamment de se tenir. Mais cette définition de l’attitude d’Israël n’était pas des plus évidentes. Israël ne pouvant pas adopter officiellement une attitude opposée à celle des Etats-Unis, s’exprima d’une manière différente: David Lévy, en visite à Washington pour une réunion avec le président Bush, annonça que l’attitude de profil bas qu’adopte Israël, ne s’explique pas par une faiblesse de l’Etat Hébreu, mais parce qu’Israël comprend la grande tâche entreprise par les Etats-Unis, et se tient fermement à ses côtés. Par ailleurs, les échos à Tel Aviv étaient différents: le ministre de la Défense, Moshé Arens, disait que si Saddam restait à sa place, en possession d’un tel arsenal militaire, Israël, la région et le monde entier, auront raison de s’inquiéter. Les propos de ces deux dirigeants israéliens sont d’une grande signification: d’abord, les pressions américaines sur Israël pour rester à l’écart et laisser aux Etats-Unis la tâche de se charger du danger irakien étaient compréhensibles. Mais, une méfiance israélienne demeurait, ce qui explique les propos d’Arens, qui, une fois bien décortiqués, laisseraient entendre qu’Israël pourrait, sans les Etats Unis, prendre la relève régionale. Il s’agit d’une nouvelle hypothèse, quelque peu chimérique, celle d’entendre Israël s’exprimer au nom de la région.
Un autre angle d’analyse fait aussi ressortir l’ampleur des pressions américaines exercées par Israël. Les Etats-Unis, étant intervenus dans la région, avaient profité de l’occasion pour effectuer un lien entre le conflit du Golfe et le conflit israélo-arabe. C’est là un facteur qu’Israël refusait catégoriquement. Benjamin Netanyahu, alors vice-ministre israélien des Affaires étrangères, disait: «il n’y a pas de lien entre la crise du Golfe et le conflit israélo-arabe; tout effort pour lier les deux problèmes est une déformation de la réalité qui joue en faveur de Saddam Hussein». Ce refus israélien d’accepter un lien entre ces deux conflits était dans le but de repousser toute tentative enrerprise par l’ONU, la CEE ou l’URSS de mener israéliens et arabes à une conférence internationale.
Un incident, survenu le 8 Octobre 1990, faisait ressortir les divergences entre les Etats-Unis et Israël. Une fusillade à Jérusalem fait 19 morts et 140 blessés palestiniens. La réaction des Etats-Unis fut la condamnation de cette «bavure». La question sera portée au Conseil de Sécurité de l’ONU, et la condamnation d’Israël fut unanime. A cette incrimination, Israël réagit par le rejet du jugement et le refus de l’accueil de la délégation onusienne d’enquête, et déclara: «nous sommes désolés que les Etats-Unis aient soutenu une résolution anti-israélienne parce qu’ils se prêtent au jeu de Saddam».  Et, pour couronner le tout, les Israéliens étaient de plus en plus embarrassés par la visite du Président Assad, le 23 novembre 1990 à Washington, pour une réunion au sommet avec le président Georges Bush.


Cette détérioration des relations israélo-américaines n’a quand même pas dégénéré, puisque quelques jours après la visite de Assad à Washington, le président Bush accueillit Yitzhak Shamir avec une chaleur que les rapports entre les deux pays avaient perdu, et c’est là où tout rentrera dans l’ordre. Le Président américain donna alors des garanties au Premier ministre israélien dans la mesure où il ne permettrait pas à Saddam de lier la crise du Golfe au conflit israélo-arabe, ce qui aurait pour conséquence un éventuel positionnement arabe aux côtés du leader irakien. Ce fait porterait éventuellement atteinte à la raison d’être de la coalition occidentale dans la région. Les occidentaux risqueraient-ils une guerre contre les Arabes: un bourbier vietnamien à plus grande échelle? …
L’intérêt stratégique pour les Etats-Unis était de bloquer le chemin à toute tentative, européenne ou soviétique, d’une conférence internationale pour la paix dans le cadre des conditions jadis régnantes. Les Etats-Unis se voulaient, à l’époque du grand affaiblissement soviétique, comme les seuls décideurs au niveau de questions critiques, menaçant la sécurité de toute la région. Ils œuvraient en vue de bloquer la voie à une troisième force internationale: l’Europe qui se voudrait, vraisemblablement, le substitut international de l’URSS dans la période à venir.
C’est justement là que nous pouvons dire que les Etats-Unis sont passés d’un essai de contenir une éventuelle réaction israélienne  à l’encontre des événements du Golfe, à un alignement sur les positions israéliennes, peut être par simple concordence d’intérêts.
Une conférence internationale pour la paix au Moyen-Orient pouvait incomber à l’avantage des Arabes, en les excluant de la sphère de contrôle américaine. C’est probablement pour cette raison que les Etats-Unis ont attendu des pays arabes la preuve de leur soutien, quant à leur assaut contre l’Irak, avant d’ouvrir la voie à une conférence internationale qui se tiendra à Madrid en octobre 1991. Là, les intérêts des Etats-Unis en tant que leader international étaient réalisés: Les Arabes bien contenus et les intérêts d’Israël garanti (puisque les Palestiniens, allant à Madrid après leur soutien à l’Irak, étaient dans une position très inconfortable). La Jordanie, ayant tout aussi soutenu l’Irak, se trouvait dans une position identique à celle des Palestiniens, ce qui s’est traduit par la conclusion des accords de paix. La Jordanie devenait alors le premier pays arabe à se joindre à l’Egypte dans la normalisation des rapports avec Israël. Nous verrons sous un nouveau titre, plus en détail, les pourparlers de paix israélo-arabes sous le patronage américain.

 

B- Les Pourparlers de paix israélo-arabes sous le patronage américain

Depuis la fin de la seconde guerre du Golfe, les Etats-Unis étaient prêts à entamer la grande marche vers la paix au Moyen-Orient. L’hégémonie américaine s’avérait de jour en jour incontestable. La chute de l’URSS s’était concrétisée en août 1991, et la suprématie américaine, son leadership stratégique et militaire, s’étaient montrés supérieurs à ceux de tous les prétendants à la concurrence, surtout avec le déroulement de l’opération «Tempête du Désert».
Tous ces facteurs donnaient aux Etats-Unis un très grand pouvoir d’influence sur les différents belligérants moyen-orientaux. Cette influence s’est traduite par la décision des Etats-Unis de mener à terme le long conflit israélo-arabe. C’est dans cette logique que se sont inscrits la Conférence de Madrid, les Accords d’Oslo et tout ce qui suivit ces deux «moments tournants» dans l’Histoire du Moyen-Orient. Le plus important reste quand même les négociations bilatérales, ces dernières étant objectivement celles qui détermineraient l’avenir des multilatérales, vu l’influence que la Syrie et la Question palestinienne possèdent au sein de la communauté arabe. Pour cela, nous verrons d’une manière plus approfondie les négociations bilatérales dans leurs volets syro-libanais et palestinien.

 

1 - Les négociations bilatérales dans leurs «volets labyrinthes» syro-libanais :

La réclamation internationale de longue date pour une conférence de paix au Moyen-Orient dépassa, après la seconde guerre du Golfe, le stade des souhaits, et s’avéra plus évidente que jamais. D’abord, aux Etats-Unis, le mandat du président George Bush touchant à sa fin, ce dernier partait en campagne pour un second mandat avec, comme concurrent démocrate, le president actuel Bill Clinton. L’argument de la volonté des Etats-Unis de voir la paix se réaliser dans le monde était nécessaire pour tout candidat  aux présidentielles de 1992, surtout après la deuxième guerre du Golfe qui, malgré sa médiatisation au profit de la coalition, ne manqua pas de susciter un mécontentement auprès de l’opinion publique américaine.
Le Moyen-Orient avec son problème historique qu’est le conflit israélo-arabe, était le champ le plus fertile dans lequel les Etats-Unis prouveraient leur rôle de «faiseurs de paix».
C’est ainsi que la conférence pour la paix au Moyen-Orient s’est ouverte le 30 octobre 1991 à Madrid, sous le parrainage de Washington et de Moscou. Suite à cette conférence, deux séries de discussions ont débuté. D’abord les bilatérales qui se sont tenues à Washington depuis le 9 décembre 1991: les Israéliens y discutaient de l’établissement de la paix avec les Libanais, Syriens, Jordaniens et Palestiniens (qui constituent initialement une seule délégation). Ensuite, les multilatérales auxquelles l’Europe des douzes a participé. Ces négociations qui traitaient de la coopératio régionale ont commencé à Moscou le 28 Janvier 1992, et  se sont ensuite divisées en cinq groupes qui portent sur: l’eau, la sécurité et l’armement, les réfugiés, l’environnement et enfin le développement économique. Ce qui est à relever concernant les multilatérales, c’est le refus d’Israël de participer à celles sur les réfugiés et le développement économique, suite à la présence des Palestiniens ne résidant pas sur les territoires occupés.
Pour leur part, les Syriens et les Libanais ont refusé de  participer aux multilatérales tant que des résultats concrets ne sont pas obtenus au niveau bilatéral. Le refus de participation syro-libanaise est un choix stratégique pour ces deux pays: le Liban d’après guerre s’alignant sur les positions syriennes, entretenant avec ce pays des «relations privilégiées» (sans rentrer dans les détails de la nature de ces relations), optait évidemment pour une politique qui lui garantirait une protection contre un occupant qui s’était emparé d’une partie de son territoire vingt deux années auparavant, ce qui justifie le  parapluie de défense syrienne au Liban. Côté syrien, le refus de participation aux multilatérales se justifie par le fait que la Syrie est restée seule, après la signature par la Jordanie des accords de paix avec Israël en 1994, face aux ambitions israéliennes. La Syrie avait ainsi sur les épaules, avec le Liban et les Palestiniens, tout le poids restant du conflit israélo-arabe. Pour cela, si la Syrie accepterait de s’engager dans les multilatérales, elle risquerait de perdre de son poids suite à des détails comme la question de l’eau et de l’armement…Tandis que l’essentiel, et nous entendons par là le problème du retrait israélien du Golan et du sud Liban, n’est pas encore résolu.
Donc, une fois résolu le problème de la «terre», la Syrie et avec elle le Liban pourraient aller de l’avant dans les multilatérales. Enfin, envers les autres pays arabes, l’attitude syrienne concernant les multilatérales avait pour but de se démarquer du reste des pays de la région qui, pour nombre d’analystes syriens et libanais, font la course pour conclure la paix avec Israël.
Le principe premier avec la phase des négociations qui s’était ouverte en 1991 fut celui de «la terre contre la paix», slogan utilisé dans le but de trouver une plate-forme commune entre Arabes et Israéliens. Mais jusqu’à l’heure, du moins en ce qui concerne la Syrie et le Liban, l’application de ce principe n’est pas en vigueur. Les espoirs amenés par le Premier ministre israélien Yitzhale Rabin suscitèrent un grand intérêt chez les dirigeants arabes, même chez le président Assad qui montra une volonté, quoique minime, d’intégrer le chemin de la paix.
Le rôle de médiateur que jouaient les Etats-Unis dans le processus de paix semblait porter ses fruits malgré le long chemin qui restait à parcourir, surtout au niveau des volets syrien et libanais. Il faut dire que le souhait américain de voir une paix s’instaurer rapidement fut brusqué par le cours des événements. En 1996, l’assassinat de Rabin rendait encore plus difficile la tâche entreprise par les Etats-Unis pour aboutir à une paix. Le gouvernement israélien, avec à sa tête  Shimon Perez, n’eut pas les mêmes réactions que le Premier ministre assassiné aurait adopté à vis-à-vis de la conjoncture régionale. Il faut là dire qu’en avril 1996, avec l’opération «Raisins de la Colère» et le massacre de Cana au Liban, la Syrie devint de plus en plus intransigeante et ferme envers Israël. D’ailleurs, l’opinion publique internationale, malgré l’influence des Etats-Unis, ne pouvait pas rester sans réaction envers le massacre commis au Liban par les Israéliens. C’est ainsi que le Liban arriva à décrocher les Accords d’avril, sous un parrainage français, dans le but d’épargner aux civils libanais et israéliens, les affres des opérations militaries.
Avec l’arrivée de Benyamin Netanyahu au pouvoir, la méfiance s’était de nouveau installée, aux Etats-Unis qui s’étaient très bien entendus avec la Gauche israélienne sur l’utilité pour tous de faire la paix. Ils se trouvaient subitement face à une Droite qui remet en question les «achèvements» de la Gauche, ce qui conduit à un blocage au niveau du volet syrien. Entre temps, le rapprochement syro-libanais ne cessait d’augmenter en se traduisant par la «concomitance des deux volets», spécifiquement après une option israélienne utilisée par Netanyahu comme slogan: «le Liban d’abord». Cette proposition israélienne pouvait être considérée comme une tentative de séparation des deux bords syriens et libanais suite à un retrait israélien du Liban, ce qui place le pays dans une position inconfortable, pouvant le mener à une paix qui ne serait pas celle souhaitée.


En effet, cette proposition eut beaucoup d’échos chez les observateurs politiques: d’abord, si un occupant propose de se retirer, l’occupé ne devrait-il pas accepter à tout prix une offre pareille? La réponse officielle à un tel raisonnment s’est justifiée dans un ordre plutôt «moral»: l’Etat libanais ainsi que la Syrie parlaient de «mauvaise foi» israélienne, derrière laquelle se cachait un intérêt de voir se former une zone dépourvue de sécurité. Cette éventualité ouvrirait à Israël plusieurs options de manœuvres militaires, piège dans lequel le Liban ne tombera point, et qu’il essaya d’éviter par sa demande de l’application de la résolution 425 du Conseil de Sécurité de l’ONU «un retrait israélien sans condition» (les conditions demandées par Israël étant d’ordre sécuritaire, les Libanais refusaient de jouer le rôle de gardien de la sécurité israélienne).
Bon ou mauvais choix, la riposte du Liban à cette manœuvre politique israélienne s’avère actuellement compréhensible, le retrait israélien du Liban sud la semaine du 25 mai 2000 en étant, du moins jusqu’à l’heure, témoin.
Pendant le mandat Netanyahu, la tendance était à croire à un blocage total des négociations syro-israéliennes. Mais nous savons actuellement que cette époque a connu des négociations secrètes sous l’égide des Américains. Quoique n’ayant mené, en principe, à rien de concret, ces efforts ont servi à garder les belligérants dans une ambiance leur facilitant une éventuelle reprise des négociations.
Avec le départ de Netanyahu en 1999, son successeur, Ehud Barak, avait basé sa campagne électorale sur des principes rappelant ceux de Rabin. Encore faut-il dire que Barak a été loin dans ses promesses, fixant le départ de Tsahal du sud Liban à une date limite qui serait le 7 juillet 2000. Il s’est retiré avant pour des raisons dépassant peut-être sa volonté, et qui sont d’ordre interne: une grande pression de la part de l’opinion publique israélienne. Barak avait aussi promis la paix avec la Syrie, et son mandat a en effet réouvert la voie à ce volet.
Les deux moments marquants du mandat de Barak avec la Syrie, sont, jusque là, les négociations de (Shaperd stown) entre Barak lui-même et le Ministre syrien des Affaires étrangères Farouk Chareh, dont le sujet principal tourne autour du retrait israélien du plateau du Golan jusqu’à la ligne du 4 juin 1967. Ces négociations n’ont finalement pas pu mener à une déclaration de principe, on dirait même que chacune des parties a fini par camper sur ses positions. Les efforts américains n’ont pas cessé. Le président Clinton déterminé à réaliser la paix sous son mandat, s’entretient à Genève avec le Président Assad. Le Sommet de Genève était très important dans le sens du rapprochement des differents points de vue, ainsi que du désir américain de voir tous les efforts arriver à terme pour éviter un retour en arrière qui mettrait la région toute entière dans une situation de confrontation.
Actuellement, les événements vont de plus en plus vite avec l’approche du mois de juillet 2000, date que Barak s’était fixé pour la conclusion d’accords avec la Syrie. Il ne faut pas oublier que quelque part, cette date est liée  à la disponibilité du médiateur américain qui, d’ici quelques temps, se repliera sur sa situation interne pour cause des éléctions présidentielles.

 

2 - Le volet palestinien: point focal pour une paix durable au Moyen-Orient.

    Parler des négotiations israélo-palestiniennes des années 1990 ne peut pas aller sans parler du rôle que la guerre du Golfe a joué dans ces pourparlers en tant que facteur du moins déclenchant.
Rappelons là, qu’avec le Yémen et la Jordanie, les Palestiniens ont été les seuls à soutenir Saddam Hussein lors de la seconde guerre du Golfe. Le leader irakien ayant bombardé Israël avec ses missiles Scuds, les Palestiniens ne pouvaient qu’être satisfaits. La suprématie que les Etats-Unis ont montré lors de la guerre du Golfe, incombait à l’avantage de leur allié israélien, par-là même au désavantage des Arabes. Si la Syrie a très bien su se maintenir, ce ne fut pas le cas pour l’OLP et la Jordanie. Pour la Jordanie, les accords conclus avec Israël en 1994 ont peut-être été, dans le choix de leur moment, une manœuvre du roi Hussein pour en finir avec un sujet aussi délicat, à un moment où la scène locale le permettait. Peut-être aussi, pour éviter de léguer un problème aussi épineux à son successeur. D’autre part, la Jordanie, par ces Accords, a peut-être voulu changer l’image qu’elle avait auprès des Etats-Unis, suite au soutien jordanien porté à l’Irak lors du second conflit du Golfe.
L’accès à une paix durable dans la région, passe obligatoirement par le volet palestinien qui reste d’importance primordiale vu les problèmes épineux qu’il renferme. D’abord existe la question des territoires occupés (Cisjordanie et la bande de Gaza) en tant qu’entité géographique et démographique dont l’avenir était encore inconnu après l’Intifada de 1987. Ensuite, une autre problématique, celle des réfugiés palestiniens et la possibilité de leur retour. Enfin, le dernier point reste celui de savoir quel sera l’avenir des relations israélo-palestiniennes, et à partir de là, quelle sera la forme juridique donnée à une éventuelle entité palestinienne qui résulterai d’un compromis entre les deux parties dans le but de garantir une paix durable.
Avant de parler des accords israélo-palestiniens conclus à partir de 1992, il est important de noter que seule une satisfaction au niveau de la Question palestinienne, représentée par l’OLP, pourrait amener à une normalisation, voire une pacification des rapports entre l’ensemble des régimes arabes et Israël.
Les pourparlers israélo-palestiniens sont rangés au sein d’un même processus, celui des «Accords d’Oslo». Ces accords ont commencé par des négotiations secrètes entre des membres de l’OLP et le gouvernement israélien et ont abouti en septembre 1993 à une reconnaissance mutuelle.
L’OLP et Israël ont alors entamé un processus de négociations bilatérales supposées apporter une solution définitive au conflit israélo-palestinien.
La série d’accords conclus sous le processus d’Oslo commence en septembre 1993 avec la «Déclaration de Principes», dites Accords d’Oslo, signés publiquement à Washington le 13 septembre 1993. Cette déclaration précise le cadre général des négociations et pose les bases d’un régime d’Autonomie palestinienne en Cisjordanie et Gaza pour une période intérimaire au terme de laquelle doit être trouvé un règlement définitif basé sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de Sécurité. Ce règlement devra porter non seulement sur la forme juridique permanente de l’entité palstinienne, mais aussi sur Jérusalem, les réfugiés, les colonies, la sécurité globale, le tracé des frontières et d’autres matières d’intérêt commun.
Le 4 mai 1994 l’Accord d’Autonomie Gaza-Jéricho dit Accord du Caire ou Accord Oslo I est signé. L’option Gaza-Jéricho est la première phase de l’Autonomie. Le déploiement de l’armée israélienne devra précéder la mise en place d’une Autorité Nationale palestinienne investie de pouvoirs civils et sécuritaires limités. Un contrôle israélien subsiste toutefois sur les colonies et les installations militaires.
En vertu de la Déclaration de Principes, la période intérimaire débute avec le retrait israélien de Gaza-Jericho, elle devrait se terminer en mai 1999.
L’accord de Taba ou Oslo II est un accord intérimaire sur la Cisjordanie et Gaza, conclu à Taba le 26 septembre 1996 et signé à Washington le 28 septembre 1996. Il n’est autre que la seconde phase de l’Autonomie palestinienne dans sa forme géographique et matérielle complète prévue dans la Déclaration des Principes. Cette forme géographique et matérielle comporte  un volet de partage de terres, et un autre juridique. Le premier porte sur la Cisjordanie  (excepté Jérusalem Est) et Gaza divisées en trois zones, et le second c’est l’élection d’un Conseil de l’Autonomie et la définition de ses compétences. Les élections eurent lieu le 20 janvier 1996, le Conseil Législatif Palestinien (CLP) a des pouvoirs civils, tandis que l’éxecutif est exercé par l’Autorité Nationale Palestinienne (ANP). Enfin, reste à mentionner qu’Israël se réserve un droit de regard sur tous les actes établis par les autorités palestiniennes.
Suite à ces accords, l’armée Israëlienne a entamé son redéploiement à partir d’octobre 1995, elle a complètement évacué les principales villes palestiniennes (sauf Hébron) de la zone A (zone devant entièrement passer sous juridiction civile palestinienne où les autorités palestiniennes seront aussi chargées de la sécurité intérieure).
Après l’assassinat de Rabin le 4 novembre 1995, le Premier ministre Peres suspend les négotiations sur Hébron jusqu’aux  législatives du 29 mai 1996. Ces élections remportées par le Likoud, opposé par principe aux accords d’Oslo, n’empéchèrent point la conclusion d’un accord sur Hébron le 15 janvier 1997.


Depuis son élection en mai 1996, Benyamin Netanyahu, président du Likoud, s’efforce de dégager Israël de l’application des accords déjà conclus. Mais les efforts des Etats-Unis dans le sens de la médiation pour la paix n’ont pas cessé; c’est ainsi que, le 23 octobre 1998, un accord israélo-palestinien fut conclu à Wye River aux Etats-Unis. Plus tard appellé Wye I, cet accord avait pour but la mise en œuvre des accords Oslo II interrompus peu après l’arrivée au pouvoir de Netanyahu.
Le mémorandum de Wye River (Accord Wye I) prévoyait le retrait de l’armée israélienne de 13% de la Cisjordanie en plusieurs étapes, notamment après la révision de la charte de l’OLP, l’ouverture de l’aéroport de Gaza, l’ouverture d’un «passage sûr» entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, la représsion anti terroriste, la réduction du nombre de policiers palestiniens, et la libération par Israël d’un certains nombre de prisonniers palestiniens.
La mise en œuvre de ce mémorandum est stoppée pour une première fois le 2 novembre 1998, sous prétexte qu’il n’a pas été approuvé par le Cabinet israélien et la Knesset.
Mais suite aux pressions que les Etats-Unis execèrent sur Tel-Aviv, (le président Clinton ayant appellé le Premier ministre israélien lui expliquant que le refus de la mise en œuvre des accords de Wye I embarrasse les Etats-Unis la veille d’une action militaire contre l’Irak), le Gouvernement israélien et la Knesset finirent par approuver le texte. La ratification de l’accord par le gouvernement ne passa pas sans réserves qui étaient au nombre de quatre: une définition de la marche à suivre pour la révision de la Charte de l’OLP, la nécessité pour le Gouvernement israélien d’évaluer la situation avant chaque étape de la mise en œuvre du texte, l’annonce que le retrait d’Israël après le redéploiement prévu à Wye River ne dépasserait pas les 1% de la Cisjordanie, et enfin en cas de proclamation d’un Etat palestinien, Israël annexerait toute partie de la Cisjordanie encore sous son contrôle.
Cette manière d’agir de Netanyahu, surtout avec sa réactivation de la politique de colonisation, nous permet ainsi de voir dans la politique israélienne de l’époque, un essai d’accroître la tension dans l’espoir qu’une action terroriste vienne torpiller le Processus.
Israël finit quand même par appliquer la première phase du mémorandum,  la  seconde  ne  le  fut  pas  suite  à  une  forte  opposition  au sein du gouvernement. Et  à la Knesset une motion de censure, suite à laquelle les élections législatives seront fixées pour mai 1999, fut votée.
Ces élections ayant mené au pouvoir l’actuel Premier ministre Ehud Barak,  réanima les espoirs de paix. Le Premier ministre Barak avait l’intention de mettre en oeuvre ses promesses. En effet, deux mois après son élection, les Accords Wye II furent conclus à Charm el Cheikh le 5 septembre 1999 pour mettre en œuvre le mémorandum de Wye I.
Aux termes de cet Accord, Israël entamera  un retrait en trois étapes de 11% supplémentaires de Cisjordanie et libèrera 350 prisonniers politiques palestiniens. Si le calendrier de cet accord est respecté, un accord de paix - qui réglera alors les questions les plus épineuses qui sont: Jérusalem et la création d’un Etat palestinien - devra être signé en septembre 2000.
Jusqu’à l’heure, le gouvernement de Barak applique en partie ces Accords, et c’est peut-être pour cette raison que les pourparlers israélo-palestiniens passent par des hauts et des bas, étant tantôt suspendus tantôt repris.
Mais avec toute cette tension s’accaparant des volets syro-libanais et palestinien, il faut avouer que le reste des pays de la région, surtout du côté du Golfe, sont plus en avance sur le chemin de la normalisation des rapports avec Israël. D’ailleurs, plusieurs pays du Golfe, comme Bahreïn et Qatar ont des bureaux en Israël, donc les relations économiques entre ces pays risquent de prendre le devant sur celle des pays directement concernés comme le Liban et la Syrie. Le décalage entre les pays arabes eux-mêmes dans le sens des rapports avec l’Etat Hébreu est peut-être dû à la présence efficace des Etats-Unis dans le Golfe, et leur rôle de catalyseur qui servirait à normaliser les relations de certains pays du Golfe avec Israël.
Ce facteur important est de grande utilité il est vrai, pour un projet de paix à venir. Mais qu’en est-il des relations des pays arabes entre eux? Le fait que certains entretiennent de «bonnes relations» avec l’ennemi, tandis que d’autres sont en pleine confrontation, ne consacre-t-il pas une certaine division? Tout cela sans parler des ambitions d’Israël au Moyen-Orient. Ces prémisses de nouvelles hypothèses nous poussent à nous questionner sur l’équilibre de la région après la paix ou sur la possibilité que le nouvel équilibre régional tant souhaité laisse sa place à une nouvelle forme de désordre.

 

II - nouvel équilibre régional ou nouvelle forme de désordre?

    Parler de la période de l’après la paix au Moyen-Orient est un des sujets favoris des observateurs actuels.
Cependant, concevoir cette région après cinquante ans de conflits avec Israël devrait sûrement passer par la logique du gagnant et perdant. Israël qui a combattu pour maintenir son «Foyer National Juif» se trouve, au début de ce siècle, avec un pays très semblable aux démocraties occidentales (malgré le grand pouvoir de l’armée israélienne et celui des généraux), surtout socialement (au niveau de la participation politique, la liberté d’expression...) et économiquement (le système économique en lui-même, mais aussi le PIB, qui, parmi tous les pays de la région, est le plus proche de celui des pays occidentaux). Tandis que nombre de pays arabes, épuisés par cette guerre, avec des régimes politiques qui s’éloignent parfois des principes démocratiques, et des conditions de vie pas toujours favorables, bref des problèmes internes souvent graves, négocient avec Israël une paix qui ne serait peut-être pas la leur vu la situation interne de plusieurs pays: le pouvoir établi étant un pouvoir de fait et non de Droit suite à la divergence entre le «vouloir» de la majorité et celui du régime.
C’est dans cette logique que nous parlons de nouvelles formes de désordre en pensant au nouvel équilibre régional.
Pour sortir du cadre des généralités, nous aborderons simultanément la sécurité au Moyen-Orient et les régimes politiques des pays arabes, en les plaçant pour finir, dans un cadre inévitable de nos jours, celui de la politique étrangère des Etats-Unis.

 

A - Régimes politiques des pays arabes et sécurité au Moyen-Orient :

Pendant un demi siècle, les pays arabes, surtout moyen-orientaux, canalisaient toutes leur capacités dans un même et unique sens: le conflit israélo-arabe. Pour revenir quelque peu en arrière, il est important de noter que, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la région a connu trois phases essentielles:
D’abord, le colonisateur et mandataire qui sentait son départ proche, avait développé dans plusieurs pays une certaine «élite» politique. Cette dernière était déstinée à prendre la relève en assurant quand même les intérêts de l’ex-colonisateur ou mandataire. Cette «élite», une fois au pouvoir, voyait face à elle, une opposition se développer. Cette opposition était très imprégnée d’idées nationalistes arabes s’opposant aux intérêts des grands dans la région. Ensuite, la phase nationaliste accompagnera la fin de la présence des puissances occidentales dans la région, ainsi que les premiers temps du conflit israélo-arabe. Jusqu’en 1967, et plus précisément après la guerre qui à eu lieu cette année, de nombreux dirigeants arabes constatent leur impuissance face à Israël. On assista alors à l’ascension du militarisme. Certains de ces régimes militaires comme en Syrie et en Irak se maintiennent toujours.
Enfin, une des tendances constatées après la guerre de 1973 essaye de plus en plus de s’instaurer, surtout après les échecs successifs des arabes contre Israël. Cette nouvelle tendance n’est autre que l’intégrisme islamique, comme les Frères Musulmans (qui, dans bon nombre de pays arabes ont été réprimés et le sont toujours).
Bref, toute cette explication sociologique sert à prouver que les pays arabes souffraient de graves problèmes internes au niveau de la stabilité de  leurs régimes. Ces problèmes ont été très souvent camouflés derrière le conflit israélo-arabe. Mais aujourd’hui, avec la fin probable de ce conflit, il faudrait examiner la viabilité des régimes politiques arabes à une époque de transition vers la paix.

 

1 - La transition vers la paix et la viabilité des régimes politiques des pays arabes :

Sous cet intitulé, deux axes principaux sont à considérer: le premier est d’ordre interne, celui de la manière d’agir de ces régimes sur la scène locale, le second s’inscrit dans l’ordre international, c’est-à-dire la manière avec laquelle ces régimes ont pris position au sein de l’équation bipolaire.
Sur le plan interne, nous avons déjà dit que les régimes arabes sont parvenus à atténuer les pressions sociales, en les canalisant dans le sens la guerre contre l’Etat Hébreu. L’atténuation n’a pas été douce dans plusieurs pays; on irait même jusqu’à dire que la mise en place de services de renseignements puissants, comme en Syrie et en Irak, avait pour but le maintien même du régime, et était dirigée à l’encontre de toute éventuelle opposition qui risquerait de perturber l’ordre déjà établi.
 Au niveau international, la guerre froide n’épargnant aucune région du monde, les régimes arabes ont éprouvé un désir de non-alignement, mais ils finissent par se ranger, du moins implicitement, aux côtés de l’une ou l’autre des super puissances.
Actuellement, avec cette phase transitoire à laquelle assiste la région, il serait bon de jeter un coup d’œil sur la question de la «légitimité» des régimes au Moyen-Orient.
La fin des années 1980 au Moyen-Orient n’a pas manqué de tensions. L’Intifada palestinienne de 1987 donnait un nouveau souffle au cours des événements, une possibilité de croire que les Palestiniens reprenaient leur destinée en main.
Ces mêmes années furent aussi marquées par une tendance des dirigeants arabes à se maintenir, plutôt que de s’occuper des problèmes internes en atténuant les pressions sociales. Dans la plupart des pays arabes, les «élites» s’étaient emparées du pouvoir, excluant toute forme de participation politique.
Au début des années 1990, les pays arabes étaient en pleine crise de légitimité, et la nécessité des gouvernements de montrer un intérêt à leurs problèmes endogènes s’avérait croissante pour l’atténuation de la pression sociale. Mais, vu les conditions globales régnantes dans la région, un revirement de politique au sein même des pays arabes était pratiquement inopérationel. La difficulté d’opérer des changements radicaux pouvait être due à la présence américaine efficace dans la politique moyen orientale. Cette présence mena nombre d’observateurs à dire que les Etats-Unis, avec leur soutien aux régimes politiquement discrédités, favorisaient le maintien d’un statu quo fidèle à leurs intérêts propres. En effet, on s’est même demandé si les Etats-Unis, par leur manière d’agir, n’œuvraient pas à créer une zone instable mais contrôlée(3).
A ces éléments politiques s’ajoutait une mauvaise situation économique. Déjà, la crise économique internationale, et la baisse du prix du pétrole n’aidèrent pas à l’amélioration de la situation économique dans les pays du Golfe. Les autres pays arabes comme la Syrie, l’Egypte et l’Irak des années 1980 avaient tenté d’adopter une certaine réforme économique en diminuant la part de l’Etat dans les prestations sociales, avec un semblant de libéralisation de leur économie au rythme du marché mondial.
Nous avons dit «semblant de réforme», car dans la plupart des cas, cette politique eût des conséquences économiques et sociales désastreuses: hausse du taux d’inflation, chômage, pauvreté, et l’usure de la classe moyenne dans le cas où elle existerait (l’Egypte des années 1990 y fournirait un exemple type: sa politique économique entièrement dirigée vers l’ouverture sur les marchés mondiaux,  essayant d’attirer les capitaux étrangers dans le but d’améliorer les conditions socio-économiques, diminuer le taux du chômage et contenir le grand problème de la dette publique). Ces mauvaises conditions  économiques ne pouvaient être sans des répercussions sur le champ politique et social d’où la crise aiguë de légitimité dans le Monde Arabe; surtout qu’une réforme économique, quand nous parlons de libéralisation, ne peut que s’accompagner, pour réussir, d’une libéralisation dans le domaine politique.
Ces problèmes endogènes aux pays arabes ont résurgi au moment où le monde entier témoignait d’un grand revirement  dans la configuration internationale.  La chute du communisme avait engendré une grande remise en question dans tous les pays qui avaient adopté, à différentes échelles, une économie dirigiste. En plus, la crise du Golfe avait dirigé tous les yeux vers cette région du monde avec tout ce qu’elle comprend comme problèmes et contradictions sans oublier la question majeure: le processus de paix auquel les Etats-Unis se consacrent depuis de la deuxième guerre du Golfe.
Les régimes politiques de la région faisaient donc face à deux défis principaux depuis la guerre du Golfe: D’abord, la situation intérieure, c’est-à-dire la transition économique et politique. Ensuite la problématique régionale, celle du processus de paix. Nous examinerons cette idée en nous basant principalement sur le cas de la Jordanie, et en évoquant brièvement le cas de la Syrie et de l’Irak.
La Jordanie qui conclut des accords de paix avec Israël en 1994 nous paraît comme le prototype de l’Etat tendant à effectuer sa double transition interne et externe, et occuper un rôle de grande envergure sur la scène régionale. Le principal signe de cette politique de transition est surtout apparu avec, à la fin des jours du roi Hussein, le changement de l’héritier du Trône hachémite. Le prince Hassan fut remplacé par Abdallah II, décision qui eut des effets très positifs auprès des occidentaux, Abdallah étant considéré comme faisant partie d’une nouvelle génération d’Arabes ayant fait leurs études en Occident, et initiés au mode de vie et aux valeurs de ce dernier. La transition douce s’est traduite juste après la mort du roi Hussein et avec l’accession du roi Abdallah II au pouvoir, d’abord, par la politique entreprise par ce dernier envers les pays arabes, ensuite par un nouveau tracé de la politique intérieure.


Suite à son support à l’Irak durant la guerre de 1990 la Jordanie, avait beaucoup perdu auprès des Arabes et des Américains. Mais ce désir jordanien de ne plus être discrédité aux yeux des Etats-Unis, favorisa la conclusion d’un accord de paix avec Israël, dont les conséquences serait en partie un plus grand rôle attesté par les Etats-Unis à ce pays en train de regagner la confiance arabe et internationale. Et de fait, les relations qu’entreprend actuellement la Jordanie de Abdallah II avec ses voisins arabes diffère nettement de celles qui existaient sous le règne du roi Hussein. D’ailleurs le rôle d’Etat tampon accordé par les Etats-Unis à la Jordanie dans le processus de paix est flagrant; il suffit de voir le dynamisme du roi Abdallah dans la médiation sur les volets syrien et palestinien pour se rendre compte de l’ampleur de son action. D’ailleurs, la présence de la Jordanie aux accords de Wye II a Charm El Cheikh conclus entre Israël et l’Autorité palestinienne le prouve bien.
- Au niveau interne, la Jordanie de Abdallah a entrepris une politique de réforme dans le sens politique et économique. Quelques revendications ont été satisfaites au niveau des libertés publiques, notamment celle de la presse et de médias. Encore,  le gouvernement adopte une réaction beaucoup plus modérée qu’auparavant envers l’opposition dans le but de la contenir pour pouvoir aller de l’avant dans la réforme.
Il faudrait quand même s’interroger sur le but pour lequel gouvernement contient l’opposition et sur le risque d’échec de cette réforme souhaitée  qui pourrait être brisée par la «pseudo-démocratie» que la Jordanie aurait appliquée.
Le cas de  la Syrie est très différent. Les efforts entrepris par le régime sont surtout d’ordre interne, encore plus au niveau de l’économie qu’à celui de la politique intérieure. Il n’est pas dans notre intention de traiter la situation interne de la Syrie et de l’état de son opposition si elle existe. Néanmoins, la libéralisation de l’économie a pris son élan, et les derniers changements au niveau du gouvernement ont été placés sous le thème de la transition et la réforme économique. Mais aussi, nombre d’observateurs ont remarqué que cette dernière réforme gouvernementale s’inscrit dans le sens du processus de paix: des accords avec Israël étant probables au cours de l’année 2000, la Syrie entamerait la période de la paix avec un nouveau souffle de réforme. Au niveau des relations syro-arabes, il est à noter que la Syrie étant, avec le Liban, le seul front de confrontation avec Israël, l’appui arabe à la Syrie s’est avéré évident, surtout avec l’acceptation de cette dernière de retourner aux négociations en vue d’un éventuel accord de paix.
Enfin, ces régimes arabes qui, depuis pratiquement les années 1970, n’ont  pas  connu  l’alternance -  et  nous  avons  la  Syrie,  l’Egypte  et  l’Irak  comme  exemples  concrets,  ainsi  que  la  Jordanie  dans  des mesures différentes - se sont quand même prouvés comme entités institutionnelles qui ont fait preuve de grande utilité au sein de la logique de la guerre froide. Ce militarisme arabe, ou alors ces régimes qu’on peut actuellement considérer comme vieux, ne sont plus à la page des événements internationaux, et les «pseudo-réformes» qu’ils entreprennent ne sont qu’une tentative pour suivre le cours de ces évènements.
Mais, les régimes en question, ayant vu le jour sous l’ère de la guerre froide, au moment où le conflit israélo-arabe battait son plein, ne seront peut-être pas compatibles avec une éventuelle phase de paix qui s’annonce dans la région. Une transition démocratique s’impose donc pour ces régimes politiques avec leur nouvelle classe de dirigeants à l’occidentale (Bashar Assad, le roi Abdallah II), qui devrait pouvoir remédier aux contradictions internes, camouflées pendant cinquante ans au nom du conflit avec Israël.
Dernier point à considérer, la volonté des Etats-Unis - qui passe obligatoirement par celle d’Israël - nous fait penser à la qualité des régimes qu’Israël  souhaiterait avoir comme voisins. Les régimes auparavant établis pour la confrontation pourraient céder la place à des «pseudo-démocraties» qui feraient résurgir les contradictions internes dans chaque pays, occupant les différents gouvernements par des instabilités locales, ce qui aurait pour conséquence de laisser libre cours à la volonté et l’expansion économique d’Israël dans la région. Ainsi, aucun pays arabe n’aura le potentiel de paraître comme pôle phare faisant fonction de concurrent potentiel d’Israël; c’est alors que la suprématie israélienne sera évidente.
Mais en parlant de l’avenir de la sécurité moyen-orientale, nous ne pouvons passer sous silence le cas de l’Irak en tant qu’indicateur stratégique de la politique américaine dans la région.

 

2 - l’Irak comme indicateur sécuritaire au Moyen-Orient:

Toute la phase que traverse le Golfe et le Moyen-Orient a pratiquement commencé avec la fin de la première guerre du Golfe, les ambitions de Saddam Hussein, son passage à l’acte avec l’invasion du Koweït et la riposte arabo-occidentale. Depuis la fin de l’opération «Tempête du Désert», les événements marquants de l’histoire de la région n’ont cessé de se succéder.
D’abord la mise à plat de la seule puissance arabe capable de traduire l’avènement d’une nouvelle ère de régionalisation avec l’affaiblissement de la logique bipolaire. Aurait-il cependant été possible qu’une région d’une telle envergure échappe au contrôle américain surtout avec la présence d’Israël en son sein?
C’est ensuite que des nouvelles relations ont existé entre les Etats-Unis et les pays du Golfe. Les jalons de ces relations étaient déjà mis en place avec la création du CCG au début des années 1980, mais avec la seconde guerre du Golfe les différentes entités régionales se sont, une à une, rangées aux coté des Etats-Unis. Le cas n’a pas été uniquement celui du Golfe mais aussi celui du Moyen-Orient en général (l’exemple de la Syrie).
Enfin, la relance du processus de paix à un moment bien réfléchi que nous avons déjà traité.
Ce nouveau cadre, malgré le sens assez déterminé qu’il semble avoir, reste quelque peu vague, et c’est le cas de l’Irak qui nous pousse à une réflexion pareille. Ce pays qui, depuis 1991, subit un embargo international des plus stricts, a vu sa situation économique et sociale se détériorer, cette dernière se traduit de jour en jour par la dégradation des conditions de vie. Mais le plus grave étant l’aspect humanitaire en Irak, avec un taux de mortalité infantile élevé, dû à la malnutrition engendrée par la pauvreté. Toutes ces conséquences, au nom d’un droit international que les occidentaux et à leur tête les Etats-Unis ont décidé du jour au lendemain contre le régime de Bagdad, pèsent sur la population. Ce droit international qui, en Irak, porte atteinte aux droits de l’homme, est en partie appliqué par l’instance censée être le défenseur suprême de ces droits: l’ONU et son Conseil de Sécurité; d’ailleurs, la démission de Ralph Ikios et les missions humanitaires du député britannique George Galloway prouveraient ces tristes réalités.
Bref, des pages entières peuvent être remplies si nous voulons traiter des mauvaises conditions dont souffre le peuple irakien.
C’est ainsi que nous sommes amenés à dire qu’il existe à Washington, des calculs qui se justifient dans une certaine logique qui est probablement d’ordre sécuritaire pour l’avenir parce que, aller jusqu’à croire que, la coalition occidentale avec tout le potentiel militaire qu’elle a investi contre l’Irak, n’a pas pu destituer le régime de Saddam Hussein, serait dépourvu de logique, surtout que le régime irakien se maintient bien au niveau local malgré toutes les pressions qu’il subit.
Cette éventualité qu’un certain avenir précis soit réservé à l’Irak n’est point à négliger. Pour cela, il faudrait placer le «détail» irakien au sein de toute l’équation moyen orientale, et plusieurs hypothèses se posent alors.
D’abord la question majeure qui préoccupe la région entière ainsi que les Etats-Unis: le processus de paix. A ce niveau, il faudrait peut-être établir un certain lien entre les négociations israélo-palestiniennes et l’intérêt d’Israël à voir un Irak souffrant jusqu’à l’aboutissement de ces négociations. Nous disons cela à cause, spécifiquement, de la question des réfugiés palestiniens dont Israël refuse le retour, et à qui les autres pays arabes refusent la nationalité au nom du «Droit de Retour des réfugiés palestiniens». Un Irak affaibli au maximum suite à toutes les peines qu’il a subi et qu’il subira jusqu’à cette date (en cas de mise en œuvre de cette hypothèse), serait-il dans un état de refuser un transfert des réfugiés palestiniens sur son territoire? Nous ne nous approfondirons pas dans la possibilité de la division de l’Irak en plusieurs entités (projet israélien des années 1980 Oled Ynon que nous avons auparavant traité).
Ensuite, au niveau de la question kurde, l’Irak connaissant une autonomie kurde au sein de son territoire, une entité apte à évoluer, et nul ne saurait dire dans quelle mesure elle se fera; c’est à cette échelle donc que rentrent en jeu les relations turco-irakiennes, historiquement perturbées à cause de deux problèmes majeurs: l’eau et la question kurde. Ces mêmes raisons qui poussent épisodiquement la Turquie à opérer des frappes aériennes contre des objectifs kurdes au sein même du territoire irakien. L’Affaire kurde est d’une grande importance sur la scène moyen orientale. Nous remarquons pourtant que la priorité des Etats-Unis va en premier temps, à court et moyen terme, vers le processus de paix israélo-arabe. La question kurde pourrait alors refaire surface et acquérir un grand intérêt une fois conclus de nouveaux accords de paix entre Israël et nombre de pays arabes (entre autre probablement un Irak faible plus propice à subir un diktat plutôt qu’un accord et cela pour écarter tout risque d’une éventuelle manifestation de force de la part d’un pays ayant un grand potentiel de redressement rapide).


Encore une hypothèse, celle du partage de l’eau au Moyen-Orient: l’Irak en conflit avec la Turquie sur les deux fleuves, l’Euphrate et le Tigre, pourrait en cas modération des ses positions, servir l’intérêt d’Israël, qui collaborerait probablement, avec la Turquie, en matière de ressources hydrauliques. Donc plus la Turquie gagnerait de l’Irak, plus elle aura de grandes réserves et pourra par suite augmenter son offre en eau à Israël.
Enfin une dernière hypothèse, celle de l’avenir des relations irano-irakiennes, question pouvant être réactivée à n’importe quel moment. En fait avec le bombardement, dernièrement, du sol iranien par «Mujahidin Khalq» (qui représentent l’extrême gauche opprimée du régime iranien), l’Irak fut accusée par l’Iran de soutenir cette organisation. La dimension de cet incident, dépassant dans ses visées le champ étroit d’un simple fait sécuritaire, peut être perçue sous l’angle américain .
A ce niveau, nous remarquons que la montée en puissance de l’Iran n’est pas sans inquiéter de nouveau l’Irak actuel. Mais il faut aussi dire que la scène iranienne interne place les Etats-Unis dans une position d’observateur, surtout que les contradictions commencent malgré tout à paraître entre défenseurs de la Révolution et le Courant réformateur. En témoignent les dernières législatives, sans parler des manifestations de juillet 1999 et de l’épineux problème de la liberté de presse. Les réformateurs entendent améliorer leurs relations avec les Etats-Unis, tandis que la tendance radicale en exprime un refus catégorique. La balance ne devrait pas tarder à pencher à l’avantage d’une des tendances, d’où l’attitude d’attente de la part des Américains. A tout cela il faudrait ajouter le grand rôle de celui qu’on a prénommé l’«Imam Gorbatchev», le président Khatami qui, jusqu’à l’heure, fait preuve d’un grand pragmatisme et d’une lucidité incomparable pour essayer de contenir toutes les pressions. Ainsi, au cas où les réformateurs arriveraient à s’imposer, l’Iran sera confronté à sa question interne comme jamais auparavant, les conditions économiques et sociales de ce pays n’étant pas des meilleures. Donc l’Iran ne risquerait point, en principe, de se lancer hors de ces frontières avec les principes de la Révolution(4).
Mais, au cas où l’avantage incomberait aux défenseurs de la Révolution, le risque d’exportation de cette dernière se traduirait par une nouvelle source d’inquiétude pour la région et le monde. Les Etats-Unis, pour contrer des ambitions pareilles, auraient peut-être besoin d’un Irak comme celui de Saddam. C’est dans cette éventualité alors que les Etats-Unis voient qu’il va de l’avantage de tous de prolonger encore les sanctions, et perpétuer le regime irakien.
Ayant  évoqué la question des régimes politiques de la région, ainsi que la donne sécuritaire et la perspective de son évolution sur l’axe irakien, il est temps maintenant d’examiner d’une manière plus élaborée la sécurité du Moyen-Orient, et surtout sur ses deux volets non-arabes, l’Iran et la Turquie, ainsi que leurs relations avec les pays voisins.

 

B - La sécurité du Moyen-Orient dans la politique américaine: retour à la politique du gendarme régional ?

La politique du gendarme régional a été appliquée par les Etats-Unis pendant le conflit bipolaire (on l’a déjà évoqué d’ailleurs en parlant de l’Iran du Chah, surtout dans les années 1960-1970). Cette politique servait aux superpuissances à montrer leur influence dans une certaine région sans intervenir directement.
Pendant la guerre froide, l’Iran étant le pays le plus fort de la région, est arrivé, pendant les années 1970, à être la cinquième puissance internationale, d’où le rôle qui lui a été accordé. Mais, la Révolution islamique, et la fuite du Chah ont totalement renversé l’équation.
Avec la fin de la guerre froide, un changement de politique eut lieu, notamment en 1991: une intervention directe sous une couverture de légalité internationale.
Dans le cas de l’Irak de 1990, les conditions d’une telle intervention se sont réunies. Mais aller jusqu’à dire qu’une pareille intervention pourrait avoir lieu n’importe quand et n’importe où, serait absurde vu les coûts d’une telle aventure.
Pour cela, les preuves fournies par les Etats-Unis lors de la guerre du golfe, dans une région dépourvue de «gendarme », ont été nécessaires  à la manifestation de force voulue, dans le but de montrer leur suprématie. Mais, une présence américaine militaire dans le Golfe peut-elle se prolonger éternellement? Et jusqu’à quand les Arabes vont continuer de consentir à une telle action étrangère? Deux questions sont à l’ordre du jour, auxquelles ne peut répondre qu’un retour de la part des Etats-Unis au choix d’une puissance de confiance qui s’occupera de la sécurité de la région.
Pour cela, deux puissances non-arabes sortent de l’ordinaire, la Turquie (qui entretient  de très bonnes relations avec les Etats-Unis, il ne faut pas oublier qu’elle a fait fonction de base militaire de l’OTAN), et l’Iran qui, malgré son régime islamique, pourrait, en cas de réussite de sa transition, regagner la confiance des Etats-Unis, tout en essayant de ne pas oublier que les ressources naturelles renfermées dans le sol de cette République islamique pourraient refaire d’elle une nouvelle zone d’intérêts américains vitaux.

 

1 - La Turquie : l’éventualité d’un rôle accordé par les Etats-Unis

Tout au long de la guerre froide, la Turquie avait pratiqué un alignement sur la politique américaine, en jouant un rôle très efficace dans le blocage de l’avancée soviétique sur la scène moyen-orientale. Cette base militaire de l’OTAN, ne pouvait, avec la seconde guerre du Golfe, que s’aligner sur les positions de la coalition occidentale notamment les Etats-Unis et l’Europe. Les Etats-Unis d’abord, parce qu’il n’y avait aucune raison pour que la Turquie opère un changement dans ses relations avec son ancien allié qui s’avérait prendre de plus en plus d’envergure sur le terrain international contre son adversaire soviétique paralysé par le poids d’une décennie qui causera un peu plus tard son déclin. Ensuite, l’Europe parce que tous les efforts de la Turquie des années 1980 s’étaient concentrés sur le désir de faire partie intégrante de la CEE et par suite de l’Union européenne, proposition turque refusée jusqu’à une date récente par l’Europe pour des raisons de fond dont la plus importante est l’inexistence d’une vraie démocratie dans ce pays. Mais, une des raisons majeures de ce refus pourrait tout simplement être l’influence qu’exerce la Grèce, membre influent au sein de l’Union, à cause de son conflit et de ses mauvaises relations avec la Turquie, notamment à cause de l’affaire du nord de l’île de Chypre.
Finalement, la dernière raison de la mise à la disposition des Occidentaux, de tous les moyens de la Turquie dans le conflit irako-occidental, réside dans le fait que les relations irako-turques n’ont jamais été des meilleures à cause de deux facteurs : l’eau et l’affaire Kurde.
C’est ainsi que la Turquie aligna son armée le long de la frontière irakienne au début du conflit, et autorisa l’utilisation des bases militaires turques pour la lancée d’assauts aériens de la coalition occidentale contre l’Irak.
Pour les Etats-Unis, les actes de la Turquie prouvaient une grande loyauté et la conclusion, en 1996 avec l’allié principal des Etats-Unis au Moyen-Orient, Israël, des accords de coopération, ne faisait que consolider la confiance turco-américaine. Ces accords de coopération étaient loin de constituer, aux yeux de leurs parties, une alliance régionale. Mais la Syrie, seule dans la région ayant des frontières avec les deux pays en question, s’inquiéta et commença à hausser le ton au moment du début des entraînements et essais militaires turc et israéliens à proximité de ses eaux territoriales. Il était ainsi clair que la Syrie considérait que cet accord de coopération militaire (à ses yeux alliance militaire), ne pouvait qu’être dirigé contre elle.
De son côté, la Jordanie, par la bouche du Prince Héritier Hassan, refuse toute politique d’alliances dans la région, mais en même temps, est pour une politique de coopération régionale n’excluant personne(5).
Par cette optique, le Royaume hachémite se plaçait dans une position de juste milieu, dans le but de prouver une attitude de bonne foi vis à vis des Etats-Unis et d’Israël. Toutes ces réactions furent couronnées par celle du Conseil de la Ligue arabe réuni le 6 septembre 1998, et dont le communiqué fut modeste à l’égard de la probabilité de trouver la région sombrer dans une politique de blocs interposés, et cela sans aucune mesure prise. De plus, les réactions les plus modérées envers ces événements sont venues de la région du Golfe, où le Sultanat d’Oman affirma par exemple qu’il faudrait considérer la Turquie comme un pays à grande majorité musulmane, et qu’il serait donc inutile de se laisser entraîner dans une polémique pareille, minimisant ainsi l’importance de cette nouvelle donnée, pour éviter les problèmes entre musulmans.
Les effets de cette coopération ne paraîtraient peut-être pas tout de suite, malgré le fait que les services de renseignements des deux protagonistes se sont entendus pour s’échanger les documents concernant la Syrie (cartes prises par satellite…), mais, pour la période de paix à venir entre Israël et le Monde Arabe, une telle entente sera envisageable différemment.
Ainsi, pour assurer la sécurité dans la région, les Etats-Unis auraient besoin de «forts». Etant hors question de tout léguer aux Israéliens, les Etats-Unis pourraient opter pour l’option turque, car les pays arabes, en dépit des accords de paix conclus avec Israël, verraient d’un mauvais œil cette dernière gérant la politique régionale.
Mais il est à remarquer dernièrement que les Etats-Unis poussent simultanément l’une envers l’autre, la Turquie et l’Union Européenne, et si cette tendance s’avèrera dans l’avenir opérationnelle, l’éventualité que nous venons d’évoquer ci-haut ne sera plus, peut-être à cause des très bonnes relations entre l’Egypte et les Etats-Unis, en plus du grand rôle de médiateur, que l’Egypte de Moubarak est en train de jouer avec tous les efforts possibles dans le sens de l’aboutissement des négociations israélo-arabes. Dans tous leurs volets. Tout ceci renforce le crédit de l’Egypte auprès de l’Amérique, ce qui, au cas où le choix d’un préféré de la région devrait être bientôt fait, aiderait l’Egypte à renforcer encore plus sa position au Moyen-Orient.
Enfin, reste à voir la viabilité à long terme de cette entente israélo-turque. Là, il faudrait dire que dans une période de paix, ces deux pays auraient pour cible le marché arabe. Il serait peut-être trop simpliste de les concevoir comme concurrents économiques acharnés, mais, il faut rappeler que sur le plan de la coopération économique, surtout plus tard avec la question de l’eau et de son partage, la Turquie et Israël ont devant eux un long chemin à parcourir. Il existe malgré tout l’autre revers de la médaille, et nous voulons dire par là l’Iran, ce pays devenant de plus en plus influent. Accepterait-il qu’un rôle de premier plan ne lui soit pas accordé dans l’avenir? Le bon fonctionnement de la situation régionale pourrait-il être en vigueur si l’Iran est mis à l’écart? C’est ainsi que nous verrons comment l’Iran tente de prendre sa place sur la trajectoire moyen-orientale.

 

2 - l’Iran et le Nouveau Moyen-Orient:

Pour commencer avec le problème majeur que l’Iran est en train d’expérimenter avec les E.A.U à cause de l’occupation par l’Iran des trois îles, Tanab Soughra, Tanab Koubra et Abou Moussa, depuis 1971. Nous rappelons qu’avec les événements de la fin des années 1970 et ceux des années 1980, surtout la première guerre du golfe, ce problème perd de son importance, et ce n’est qu’en 1992 qu’il résurgit suite à un incident dont on a fait mention dans le cadre de notre exposé sur les conflits frontaliers entre les pays du Golfe. Reste actuellement à noter que la question des îles est en cours de négociations, avec une certaine malléabilité iranienne en ce sens, une ouverture au dialogue que l’Iran n’avait point éprouvé depuis son occupation de ces trois îles.
Il est à noter ici que, jusqu’à une date récente, les Etats-Unis ont toujours refusé toute forme de mesures prises par l’Iran dans les îles occupées, et il était alors normal que les Etats-Unis prennent le parti des E.A.U, surtout après la guerre du Golfe de 1991, qui a crée une complicité entre Etats-Unis et E.A.U, complicité qui en 1992, s’est traduite par une vente d’armes.
Actuellement, avec le sentiment de l’approche d’une nouvelle phase de relations irano-américaines, la position américaine à propos de cette question reste à observer, et la probabilité que ce problème attende le nouveau tracé des relations irano-américaines suspendues depuis 1979, est fortement contestée sur la scène iranienne. C’est ainsi que l’occasion se présente de dire que le rapprochement iranien actuel de presque tous les autres pays du Golfe, notamment l’Arabie Saoudite, faciliterait le chemin aux relations irano-américaines, mais aussi à l’introduction de l’Iran sur toute la scène moyen orientale. Cette introduction de l’Iran dans la scène moyen orientale nous pousse à envisager la position de ce pays vis à vis du processus de paix avec Israël. Là, deux constantes se posent à nous et qui sont d’une très significatives. D’abord, les bonnes relations syro-iraniennes sont doublées d’un soutien moral que l’Iran apporte à la Syrie dans son combat pour recouvrer sa souveraineté sur tout son territoire. Ce rapprochement syro-iranen s’est aussi répercuté sur les relations libano-iraniennes, surtout avec le rôle que le Hezbollah (pro-iranien) a joué dans la libération du sud Liban. La couverture légale que l’Etat libanais a porté à la résistance, quoique libanaise, mais très soutenue moralement, militairement et financièrement par l’Iran, n’aurait pas pu passer sans grandes contestations de la part des différentes communautées libanaises, si l’influence syrienne au Liban n’était pas de grande envergure. Encore plus, nous irons jusqu’à dire que de mauvaises relations syro-iraniennes n’auraient pu qu’amener à une opposition confessionnelle d’ordre interne à la résistance.
En conclusion, la stabilité et le resserrement des rangs qu’a connue le Liban dans sa lutte, par le moyen du Hezbollah, pour la libération du sud, est donc une des conséquences du soutien apporté par l’Iran à un des deux fronts de confrontation directe restant avec Israël, en l’occurrence celui de la Syrie et du Liban dans la concomittance de leurs volets.
En fin de compte, malgré toutes les contradictions internes que l’Iran d’aujourd’hui est entrain de subir, nous voyons que son influence sur la scène régionale se fait de plus en plus remarquer. Mais, de là à voir la place qu’occupera ce pays dans la politique étrangère américaine au Moyen-Orient, nous devons, comme nous l’avons mentionné plus haut, attendre peut être l’aboutissement du jeu des forces intérieures iraniennes, qu’elles soient celles des réformateurs ou des radicaux, et au cas où les réformateurs l’emporteraient, la possibilité de la remise en question de tous les principes de la Révolution de 1979 est à envisager. C’est ainsi que le régime politique en lui-même perdra de sa légitimité. Restera alors à savoir si les intérêts des Etats-Unis et leurs vrais alliés dans la région ne passeraient pas par un affaiblissement de tout pôle moyen-oriental pouvant un jour se redresser et avoir des visées dépassant ses frontières.