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La France: un paysage politique en recomposition
Introduction
La démocratie vient du mot grec «démos» qui signifie peuple et du mot «kratos» qui veut dire pouvoir, en somme c’est le pouvoir du peuple. Bien qu’il existe dans l’antiquité une forme de démocratie directe chez les Grecs[1], en réalité cette pratique est biaisée, car un peuple ne peut gouverner, il a besoin de représentants. En outre, il existe deux formes de démocraties, la démocratie représentative[2] et la démocratie semi-représentative[3]. Contrairement au régimes autoritaires[4] ou totalitaires[5] les régimes démocratiques assument leur caractère politique où seul le consentement du peuple peut fonder la légitimité du pouvoir (bien entendu celui-ci est donné pour un temps déterminé). Ainsi la démocratie repose sur la délégation mais celle-ci représente des caractères spécifiques qui font de ce régime un État de droit, avec des libertés et du pluripartisme. Personne n’a droit au pouvoir et il faut être élu (pour une durée limitée). De plus, la démocratie comporte des limites juridiques que constitue le droit constitutionnel et administratif. Par ailleurs, il n’y a pas de pouvoir absolu mais séparation des pouvoirs. Si les représentants assument un caractère politique, il est donc limité par les Lois[6]. Selon Joseph Alois Schumpeter, la démocratie «signifie seulement que le peuple est à même d’accepter ou d’écarter les hommes appelés à le gouverner (…)»[7]. Dans ce sens le peuple ne devrait pas «prendre de telles décisions en appliquant des procédés parfaitement antidémocratiques mais il faut un critère supplémentaire à savoir la libre concurrence entre les candidats aux postes de commandement pour les votes électeurs. (…)»[8]. D’après cet auteur, il existe ce qu’il appelle «la méthode démocratique». Le politique est comparable à un système économique, voire un marché politique concurrentiel fondé sur la rencontre entre offre et demande politique où les élites jouent un rôle essentiel. La quête du pouvoir s’explique comme un marché économique: l’électeur est un consommateur, le politicien est un entrepreneur, les partis politiques sont des entreprises et le profit est le pouvoir. Cette notion de marché permet de comprendre la dynamique de l’élection.
Dans cette logique, l’on comprend qu’il existe une réelle corrélation entre démocratie, évolution de la démocratie, marché politique et professionnels de la politique: «La méthode démocratique ne sélectionne pas les politiciens entre tous les citoyens mais seulement parmi les éléments de la population qui sont disponibles pour la carrière politique (…)»[9].
En somme, le champ politique est comparable à un système économique voire un système capitaliste. Toujours selon cet auteur, la «démocratie a grandi en même temps que le capitalisme et en relation causale avec lui (…)»[10], bien qu’il considère que la «méthode démocratique» fonctionne dans certaines sociétés non capitalistes il démontre surtout que la démocratie moderne fonctionne à l’instar d’une économie de marché. Non seulement le capitalisme permet le développement de la démocratie mais influe même sur l’évolution de la société.
Cependant, la démocratie ne peut prétendre à la perfection, elle n’a pas vocation à satisfaire tout le monde et ne remplit jamais ses promesses. De ce fait, il existe un écart entre «utopie démocratique» et «démocratie réelle». De plus, on trouve dans les démocraties des tendances oligarchiques[11].
Peut-on, pour autant, établir une typologie des régimes démocratiques? En théorie toutes les démocraties remplissent les critères mais toutes ne se ressemblent pas. Si l’on compare la démocratie en Grande-Bretagne et en France, l’on constate qu’elles sont différentes l’une de l’autre. Les critères qui ont leur importance résident dans leurs histoires et dans leurs institutions. En premier lieu, la démocratie est conditionnée par l’histoire puisqu’elle n’est pas une création ex nihilo et qu’elle est constamment en gestation. En général, elle succède à un ancien système, soit par le compromis, soit suite à une révolution. Ce dernier est le critère qui fonde la démocratie en France car c’est suite à la révolution française de 1789 que le processus de démocratisation est enclenché. En second lieu c’est la forme du régime qui détermine le fonctionnement de la démocratie et c’est surtout son effectivité qui est très importante. Il existe plusieurs formes de régimes: régime présidentiel, régime parlementaire, régime mixte ou semi-présidentiel. La France est un régime semi-présidentiel, car le président a un important pouvoir qu’il partage avec le Gouvernement. Pour saisir l’essence de la démocratie il faut s’attacher à son analyse comme forme de compétition politique pluraliste.
L’on peut donc dire que la démocratie s’invente où se construit. Les outils qui l’accompagnent sont les partis politiques[12] et les citoyens[13] qui doivent se politiser.
En France, c’est à partir du XIXe siècle que les partis politiques deviennent des acteurs centraux de la vie politique. En même temps que l’État s’institutionnalise, les partis politiques s’organisent afin de participer à la compétition pour les postes et les positions de pouvoirs. Comme déjà dit, la conquête du pouvoir, s’organise dans un marché électoral où des «biens politiques» sont échangés contre des votes. Dans un tel système, les candidats doivent utiliser des nouvelles techniques pour recueillir des voix: programme, publicité, communication… La compétition devient de plus en plus forte. Les partis politiques puissants s’imposent face aux petits. Avec le temps, les Français se politisent, et, par ce biais, ils influencent directement ou indirectement le pouvoir. Au gré des crises économiques ou sociales, des guerres, le système évolue jusqu’à la Cinquième République. À partir de 1958, une marche vers la bipolarisation se met en place dans le paysage politique français. Les partis politiques se sont progressivement regroupés en deux camps, la droite et la gauche, marginalisant certains partis historiques. Bien que la Cinquième République demeure le cadre institutionnel de la scène politique française, l’élan qui la caractérise semble s’essouffler. Depuis quelques années, le clivage droite/gauche vacille, et la recomposition est amorcée. Nonobstant, les fortes institutions françaises semblent maintenir le pays et garantir la stabilité de la démocratie.
L’on peut donc se demander dans quelles mesures l’invention de la démocratie en France va dynamiser son marché politique aboutissant à une bipolarisation? Quels sont les facteurs qui vont bousculer l’ordre établi? Enfin, peut-on oser dire que la stagnation n’est pas le propre de la démocratie?
1. L’invention de la démocratie en France
Il est important de souligner que la nation se construit historiquement. Elle est d’abord un groupe c’est-à-dire une communauté nationale qui s’incarne dans le monarque. Trois sources fondent cette nation: le roi, le pouvoir de l’État[14] et l’appartenance commune.
1.1. De la monarchie absolue à la démocratie
La monarchie absolue ne sera pas en mesure d’empêcher la révolution française d’éclater. En 1789, les députés élus aux États généraux vont mettre en place des principes nouveaux. En quelques mois un ordre se substitue à un autre. En juin, les États généraux s’autoproclament Assemblée nationale (représentant du peuple). Celle-ci décide de doter la France d’une Constitution. En août, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen voit le jour. La société française n’est plus fondée sur un groupe mais sur le citoyen. Le contrat social fait entrer l’Homme dans la société avec des droits: liberté, égalité, fraternité.
La souveraineté de la nation prend du temps à se mettre en place tout comme la démocratie. En 1870, Napoléon III est défait à Sedan entrainant l’effondrement du régime. Le lendemain, la Troisième République est proclamée mais son installation n’est pas acquise d’emblée. Un gouvernement provisoire est mis en place, cependant il est divisé entre royalistes et républicains libéraux. Il faut attendre 1875 pour que la République soit réellement proclamée. Entre 1876 et 1879 la pratique des nouvelles institutions va déterminer la nature des régimes. Le président de la République est élu par les deux Chambres et un président du Conseil doit former un Gouvernement. Une dualité des fonctions qui va être au centre des débats dès le début de la Troisième République. Pour le président de la République la ligne politique dépend des deux Assemblées: Sénat et Chambre des députés. Entre 1876 et 1877 suite à une crise du régime, la France se tourne vers un système libéral de démocratie. La société se modifie (évolution liée à la modernité) et va influencer ce changement. Le point de départ de la démocratisation est l’irruption des groupes sociaux qui participent de plus en plus au débat politique. Bien que le suffrage universel se soit démocratisé depuis 1848 il ne devient réellement important qu’à partir de la fin du XIXe siècle. Les Français participent en votant à la vie politique, ils font des choix politiques. Le modèle français devient une force, le peuple «peut faire et défaire ce qui est» et les républicains veulent ancrer le régime sur cette conscience de ce peuple français. Ainsi, «l’idée républicaine n’a pu s’imposer que parce qu’elle a peu à peu pénétrée la société française et ses représentations sociales et parce que les républicains ont développé des politiques volontaristes pour l’enraciner»[15]. Dans ce modèle les symboles républicains se développent: la Marseillaise est adoptée comme hymne national, le 14 juillet est choisi comme jour de fête nationale, la Révolution française devient un référent historique célébré et l’école est centrale dans la République. Lieu de l’éducation, l’école forme les citoyens et représente, en quelque sorte, un symbole hostile au pouvoir social de l’Église; l’école de la République est laïque (et citoyenne).
La révolution industrielle va aussi bouleverser la société française: les ouvriers deviennent de plus en plus nombreux créant un groupe homogène, et une classe intermédiaire s’impose. Une conscience d’appartenir à cette catégorie et le désir de promotion social se met en place. La France commence à trouver son équilibre et va proposer une culture républicaine qui correspond aux aspirations de la société. Ce qui donnera naissance à une morale laïque républicaine.
Selon l’historien américain Eugen Weber c’est La Fin des terroirs, l’identité nationale prend le dessus sur les identités locales. Sous la Troisième République les ruraux prennent conscience d’appartenir à la société française grâce notamment au désenclavement. La politisation suppose donc la nationalisation de la société. Celle-ci est tributaire de plusieurs facteurs concordant avec la modernité comme le développement des communications, les progrès, le développement de l’éducation, la diffusion d’idées politiques, le suffrage universel etc…
Bien que le suffrage universel soit un facteur important dans le développement de la pratique politique, jusqu’au XXe siècle les habitudes clientélistes restent tenaces. L’apprentissage de la pratique électorale est donc long. À partir du XXe siècle on passe d’un marché de biens matériels à un marché de biens idéologiques.
1.2. De la démocratie à la nationalisation des arènes électorales
C’est au début du XXe siècle que les partis deviennent des acteurs centraux de la compétition politique. Les partis politiques et les citoyens sont les vecteurs du bon fonctionnement de la démocratie. Une typologie pionnière, celle du politologue Maurice Duverger, revient sur l’enracinement historique des partis politiques et distinguent deux grands types de partis historiques, les partis de cadre[16] et les partis de masse[17]. Le principe de la liberté de vote au parlement est déterminant dans la vie politique de l’époque. En France, les partis conçus comme une organisation structurée n’ont pas droit de cité au XIXe siècle, pourtant, des groupes politiques existent[18]. Le fait nouveau est la multiplication des structures proto-partisanes[19] dans la société. Une série d’organisation non politique qui partage des idées politiques occupent le devant de la scène. À la fin du XIXe siècle, on parle de fièvre d’associations. C’est la loi de 1901 sur les associations qui va réguler le système. Avec cette législation, les partis politiques vont s’organiser. La politisation de la société française entraîne la démocratisation de celle-ci. En juin 1901, le premier parti politique français, le parti radical se créé, dans une tentative de rassembler tous les républicains à savoir le parti républicain radical et le radical socialiste[20]. Dans les années qui suivent, la plupart des courants politique se façonnent en partis (parti socialiste, parti catholique, parti ouvrier, la SFIO[21]…). Un nouveau cap historique est franchi, les partis politiques se structurent, ils communiquent et se diffusent. Ils vont se construire progressivement autour d’un clivage droite/gauche dès la fin du XIXe siècle. Plusieurs enjeux révèlent cet état de fait, le clivage autour de l’anticléricalisme, un clivage sur la question sociale et un dernier sur la question internationale.
1.3. Les clivages en France: enjeux et explications
Seymour Lipset et Stein Rokkan[22], se sont interrogés sur le modèle des clivages, c’est-à-dire sur l’opposition entre les différents partis en compétition, pour le pouvoir et surtout sur les fondements sociaux-culturels de ces clivages. Deux facteurs historiques sont à l’origine de ces clivages:
- La construction nationale de l’État est à l’origine du clivage État/Église (Laïcité/Religion) et du clivage Centre/Périphérie (entre l’État central et les régions).
- La révolution industrielle a pour conséquence le clivage Capital/Travail et le clivage Urbain/Rural
La France n’échappe pas à ce processus puisque les partis politiques français se sont positionnés et définis par rapport à ces grands clivages.
Le premier enjeu est clérical. Entre 1875 et 1900 les catholiques se rangent du côté des républicains et les anticléricaux se positionnent du côté des partis de gauches. Après les élections de 1902, cet enjeu occupe le centre de la vie politique au point même qu’en 1904 le Saint-Siège et la France rompent leurs relations. En 1905, la loi sur la séparation de l’Église de l’État instaure la laïcité. En conséquence, la République assure la liberté de conscience et le libre exercice des cultes; la religion est une affaire privée. Cette loi est mal accueillie par les catholiques et comme par le pape. Les partis politiques français héritent du clivage État/Église.
Le deuxième enjeu est social et détermine la frontière nette entre la droite et la gauche. Le syndicalisme s’impose face à l’économie de marché et au système capitalisme qui est pour les adhérents un obstacle au progrès. La révolution industrielle a donc donné naissance en France au clivage Capital/Travail. Les partis politiques les ont exploités, investit, travaillés politiquement et par la même, ont contribué à les entretenir et à les renforcer.
Les années 1911-1914 modifient l’équilibre politique et les questions internationales (les tensions en Europe) divisent les politiciens. Entre 1898 et 1914, la France est clivée entre la droite et la gauche (même si les radicaux seront au pouvoir jusqu’en 1914), et la gauche elle-même connait des divisions entre les centristes et les plus à gauche. Les contours de la vie politique s’orientent entre une droite (libérale, catholique, urbain), un centre (laïc et libéral) et une gauche (syndicaliste, radical socialiste). Ce clivage tend à devenir permanent. Les comportements des électeurs français se manifestent autour du clivage droite/gauche.
La crise économique internationale qui touche la France au début des années trente fragilise la République. La France est le théâtre d’une crise politique. En février 1934 une manifestation antiparlementaire d’extrême droite tourne à l’émeute causant la démission du gouvernement. Suite à ces manifestations, des partis de gauche se rassemblent au sein du Front populaire. Ils manifestent en 1936 et obtiennent du gouvernement des Convention sur la limite de la durée du travail et des congés payés. Cette période bouleverse les rapports sociaux. Mais l’année 1939 marque le début de la Deuxième Guerre mondiale et dans la foulée Paris est occupée en 1940. La reddition met fin à la Troisième République.
Suite aux turpitudes causées par la Deuxième Guerre mondiale, la Quatrième République est instaurée en 1946 sous la présidence du Général de Gaulle (mais sans son accord). Ce régime ressemble à peu près au modèle républicain parlementaire qui s’est imposé en France depuis 1875, avec une Assemblée nationale qui ne dégage pas de majorité claire. Il va rencontrer des difficultés politiques et subir les divergences liées aux guerres d’Indochine[23] et d’Algérie[24] dont il ne survivra pas.
À la veille de l’instauration de la Cinquième République[25] qui marque un tournant dans le paysage politique français, il y a déjà en France une tendance à la nationalisation avec les mêmes partis, les mêmes alliances, les mêmes clivages, les mêmes thèmes de campagne, aussi bien dans les élections nationales que locales. Les enjeux nationaux structurent les campagnes locales. Une stratégie adoptée de longue date par les partis de gauche. Les partis de droite unifient leurs rangs à partir des années soixante et l’évolution est identique pour les élections locales à partir du début des années soixante-dix. Cette mutation marque le début de la bipolarisation de la vie politique en France.
1.4. La bipolarisation sous la Cinquième République
À partir de 1958, les partis vont progressivement se regrouper en deux «camps» autour de la droite et de la gauche. Le système devient plus équilibré et plus gouvernable que sous le régime précédent. En conséquence, il va entraîner la disparition de certains partis historiquement importants du paysage politique (comme le parti radical). Le mouvement de bipolarisation commence en 1962 entre les Gaullistes (UNR) et les Républicains indépendants (RI). C’est d’abord à droite, à partir de 1962, que commence le mouvement de bipolarisation autour de l’UNR (Union Nationale des Républicains, gaullistes) et des RI (Républicains Indépendants, non gaulliste). À droite le camp se met en place rapidement mais à gauche les accrocs entre socialistes et communistes ralentissent la structuration du camp. Elle se concrétise en 1971 avec la naissance du parti socialiste (et la signature du programme commun PS-PC en 1972) entraînant une bipolarisation symétrique. Le paysage politique français est scindé en deux grands camps. Le centre décide de rejoindre la droite qui l’emporte en 1976. Cette bipolarisation permet à l’Assemblée de devenir majoritaire et de former des groupes parlementaires qui peuvent influencer sur le pouvoir décisionnel. Certains qualifient cette structure de «quadrille bipolaire opposant deux pôles composés chacun de deux parties de taille à peu près égale heures (PS/PC d’un côté, UDF/RPR de l’autre) et monopolisant espace électoral»[26]. La bipolarisation structure donc progressivement le champ politique, y compris au niveau local à partir des années 1970. L’effondrement du parti communiste dans les années 1980, la hausse de l’abstentionnisme, l’apparition de clivages liés à la construction de l’Europe, l’environnement… vont entraîner l’émergence de nouveaux partis hors système (parti écologique, partis extrêmes…).
La bipolarisation produit aussi un effet sur la personnification d’une élection et sur la collectivisation de la vie publique[27]. Les campagnes politiques sont centrées autour d’un duel entre deux candidats. Les élections législatives deviennent scénarisées comme un duel entre deux prétendants. On peut se demander si un Parlement ainsi élu peut jouer encore son rôle d’intermédiaire entre le peuple et le gouvernement. L’utilisation accrue des produits de campagnes (sondages, marketing politique, communication, matraquage des médias…) serait-elle responsable d’une dérive politique? La bipolarisation ne limiterait-elle pas la représentativité?
Depuis les années 2000 la France se trouve dans un bipartisme imparfait.
L’alternative serait-elle en place?
2. La fin de l’ordre établi?
Les dernières élections présidentielles (2017) en France ont bousculé les traditions au point de remettre en question le clivage traditionnel droite/gauche.
2.1. L’apparition des nouveaux clivages
Plusieurs facteurs peuvent expliquer le revirement politique que connaît la France depuis le début du XXIe siècle. L’intensification de la compétition électorale, la personnification des activités politiques et la collectivisation de la vie publique ont modifié le rapport des citoyens à la politique mais ne remettent en aucune cause les cadres normatifs du régime démocratique. Comme démontré plus haut, les clivages ont structuré les partis politiques lors de leur genèse mais en France certains clivages sont presque devenus obsolètes. Le clivage Église/État pèse moins dans la politique même si l’électorat de droite déclare à 80% appartenir à une religion. Avec l’évolution de la société la classe moyenne a augmenté en nombre, les partis communistes ont décliné et depuis les années 1990 les partis socialistes sont moins socialistes. À cause de l’érosion des clivages socio-traditionnels, du développement des mass-médias, de la généralisation de l’État-providence et de la tendance des électeurs à se comporter comme des consommateurs, les partis politiques ont tendance à se transformer en «Catch-all party»[28]. Ils se structurent autour des problèmes de société et l’idéologie est moins forte. Les programmes que proposent ces partis ont tendance à se ressembler. En France, le parti d’extrême droite (FN) a longtemps été qualifié de parti «attrape-tout». Ce parti a séduit à la fois les électeurs de gauche (volet social) comme les électeurs de droite (volet identitaire). Il surfe sur les problèmes de société du moment. Malgré la faiblesse de l’organisation partisane, le leadership très marqué a permis à ce parti de s’imposer. Plus récemment c’est le parti La République en Marche (LaREM) du président Macron qui a été qualifié de parti attrape-tout.
2.2. La percée de l’extrême droite et la montée des mouvements «populistes»
Aujourd’hui, des mouvements de droite comme de gauche semblent présenter des caractéristiques du «populisme». Ce terme désigne une approche politique qui oppose le peuple aux élites, et qui conteste le système économique en place. C’est le sentiment d’exclusion qui alimente ces mouvements. Ce courant de pensée politique peut prendre des aspects «anti» et revendiquer avoir des solutions aux divers problèmes sociaux. Ce populisme a pris des formes différentes selon les époques, où selon les pays. De nos jours, sa présence dans les démocraties occidentales est incontestable et de plus en plus forte. On retrouve souvent des thèmes communs au populisme et au nationalisme.
En France le thème de l’émancipation a longtemps inspiré des partis politiques dit populiste[29]. Selon l’historien Michel Winock il est «un mouvement protestataire contre les élites…». En effet, l’auteur montre que les mouvements populistes considèrent que les politiciens sont éloignés de la réalité populaire. Et d’ajouter que «c’est un national populisme… en ce sens qu’il est aussi un mouvement identitaire, nationaliste, protectionniste, xénophobe, islamophobe, homophobe et antieuropéen».
En France, le populisme a longtemps été identifié à l’extrême droite.
Depuis les années 1990 plusieurs partis d’extrême droite se sont imposés en Europe comme en France. Bien que l’apparition de l’extrême droite en France remonte au début du XXe siècle, leur implantation s’impose effectivement depuis les années 2000. Le parti qui opère ce changement est le Front National (FN). Fondé par Jean-Marie Le Pen en 1972 il commence son expansion au début des années 1980 (grâce à son audience électorale) en se positionnant en parti «anti».
Il est caractérisé par sa fonction «tribunicienne». Lors de l’élection présidentielle de 2002 c’est la qualification du fondateur du parti FN qui provoque un électrochoc dans l’opinion publique. Au second tour de l’élection, «l’union sacré» entre les partis de droite et de gauche va tenir en échec le candidat Le Pen. Malgré cela, le FN persiste et opère un changement à plusieurs niveaux (communication, message...). Aujourd’hui ce parti est dirigé par la fille du fondateur, Marine Le Pen, qui a œuvré depuis 2011 à «dédiaboliser» le parti. Elle affiche dès le début sa volonté de républicaniser le parti et de rassembler tous les «patriotes» de France. Mais la chose n’est pas aisée. Elle finit par réussir son pari puisque le parti s’est imposé comme incontournable de la scène politique française. Lors des élections présidentielles de 2017, la candidate Marine Le Pen se hisse au second tour des élections présidentielles face à l’outsider Emmanuel Macron.
Comment peut-on expliquer cette percée?
Au départ l’extrême droite en France est une droite tout d’abord opposée au modèle républicain (une droite de refus et de rejet des institutions) et son objectif est d’instaurer un ordre nouveau. En surfant sur les peurs intériorisées des citoyens, ces thèmes gravitent autour de l’antiparlementarisme, de l’islamophobie, de la xénophobie, de l’identité et tous ce qui préoccupent les Français dans le moment. Ainsi dans les années 1980 le FN stigmatise les étrangers, les rendant responsables de tous les problèmes socio-économiques. Lors de la dernière élection présidentielle l’un des thèmes récurrents tournait autour de l’Europe qui est responsable de tous les maux du pays et de la perte de l’identité patriotique.
C’est le propre des «catch-all party». La force de ce populisme français tient à sa capacité de s’adapter. Son succès vient aussi du fait que les citoyens qui se sont sentis trahis par les anciens dirigeants se sentent compris par le populisme que génère le FN. Un autre thème que brandit le FN est la critique permanente de l’ordre établi qu’il faut impérativement changer. Il s’appuie sur le chômage, la pauvreté, les oubliés de la France… autant de thèmes chers aux Français soucieux de garder leurs acquis sociaux.
L’historien français Jean Garrigues considère que c’est la crise du modèle démocratique libéral - que l’Europe n’avait pas connu depuis l’entre-deux-guerres - qui est responsable de la montée du populisme en France et ailleurs. Contrairement à 2002 aux élections de 2017, la droite est divisée et la gauche peine à s’imposer. Les jeunes qui ne connaissent pas les origines du parti sont tentés par le populisme et les 18-25ans ont grandi avec le FN; les résultats montrent que le parti a progressé dans cette catégorie de la population. Même le front intellectuel uni en 2002 contre le FN s’est fracturé en 2017. Certains intellectuels vont prôner l’abstention plutôt que soutenir le candidat Emmanuel Macron. En somme, et malgré la défaite de Marine Le Pen au second tour des présidentielles, il ne fait aucun doute que le FN désormais appelé Rassemblement national (RN) soit devenu un acteur majeur du théâtre politique, français, reflétant ainsi l’image d’une société en perpétuelle mouvement.
Le populisme en France n’est pas l’apanage de la droite car on le retrouve à gauche. En effet, la France insoumise (LFI), fondé par Jean-Luc Mélenchon en 2016, semble aussi porter un discours qui peut être défini de «populiste». Le leader du parti LFI dit lui-même assumer son populisme. Cependant les mécanismes des populismes de gauche sont différents de la droite. Le populisme de droite est intimement lié à sa dimension identitaire alors qu’à gauche il se rapproche de la vision égalitariste de la société.
Le clivage serait-il entre les patriotes et les mondialistes comme le prétend l’extrême droite en France?
2.3. Le «Macronisme» ou la fin du clivage gauche/droite
À partir des années 2010 les analystes accusent l’alternance au pouvoir entre la droite et la gauche d’être responsable des difficultés économiques de la France. Le clivage droite/gauche empêcherait la mise en place des réformes en vue d’améliorer l’économie. Chaque gouvernement sert son propre camp et sa propre politique. «Un pas en avant, un pas en arrière». C’est dans ce contexte que les partis ont entamé la compétition électorale de 2017. D’abord en interne où chaque parti doit désigner son représentant afin d’affronter son opposant en externe. Mais un certain Emmanuel Macron va rapidement s’inviter sur la campagne électorale de 2017 en créant un nouveau parti, «ni de droite, ni de gauche», afin de casser le cycle des partis traditionnels au pouvoir. Un pari qu’il fallait oser et qui paraissait au départ presqu’absurde. Mais c’est sans compter sur la personnalité du fondateur de La République en marche (LaREM) et de ces soutiens. «La stratégie macronienne a triomphé grâce aux qualités de son leader, mais aussi grâce à sa cohérence avec les élites mondialisatrices occidentales qui sont économiquement de droite, car néolibérales, mais culturellement de gauche, car cosmopolites. Elles forment un centre «libéral mondialisateur» qui s’oppose à la fois à une droite «conservatrice identitaire», (…) et à une nouvelle gauche contestataire «démocrate écosocialiste» (…)[30]» .
Cette stratégie va s’avérer payante et très vite Macron va regrouper autour de lui les militants de la dernière heure, les déçus de l’action gouvernemental, les anciens socialistes dépités par l’inefficacité du président Hollande; des anciens centristes qui n’ont plus foi en leur candidat et qui se retrouvent dans le programme proposé par LaREM et une partie des électeurs de droite néolibéraux. Une partie des soutiens au candidat Macron voit en ce parti l’espoir d’une troisième voie qui romprait avec le passé et le clivage droite/gauche dont la France était prisonnière depuis plusieurs décennies. Mais comment peut-on expliquer les raisons de cette ascension fulgurante?
L’engluement de la France dans les scandales financiers des dix dernières années, la progression du chômage, les inégalités sociales flagrantes, la dégradation de l’image des partis traditionnels ont poussé une partie des Français à se tourner vers le candidat qui incarnait le renouvellement. Il séduit par sa jeunesse et sa force de communication. En un an il passe de statut de ministre de l’Économie à fondateur et leader de son parti (LaREM) avant de de devenir président de la République; tout ça avant d’atteindre l’âge de 40 ans. C’est un parvenu de la politique[31] qui maîtrise tous les outils de l’image. Son succès est dû au fait qu’il soit entouré de spécialistes des médias: il table sur son image publique, il communique sur les réseaux sociaux, il prépare ses discours, il travaille son image… Il est un produit du «marketing» politique. Dans sa campagne il était le seul à défendre l’Europe et son importance pour la France, il montre qu’il est sûr de lui et qu’il maîtrise les dossiers. Le parfait candidat, qui tombe à pic. Sans avoir jamais été élu, ce candidat réussit à se hisser à la tête de la France, une ascension fulgurante où il est élu par 66% des voix.
2.4. Le morcellement de l’offre politique
Le nouveau LFI de Jean-Luc Mélenchon s’est imposé lors de l’élection de 2017 en récupérant une portion importante de la base électorale du PS, phagocytant définitivement la gauche, et coulant le PS par la même occasion. La gauche se divise et aucune majorité s’en dégage. Fracturée et morcelée entre LFI, le Parti Communiste et le parti socialiste de Benoit Hamon (Génération S), la gauche peine à s’imposer. Ces trois forces revendiquent l’héritage moral et politique de l’électorat de gauche. Sans oublier les autres petits partis comme Lutte ouvrière, le parti des verts… qui sont de gauche. En face de la gauche, la droite elle aussi s’est décomposée. Le parti Les Républicains (LR) a non seulement été privé d’une partie de son électorat historique à cause de la percée de LaREM et du RN mais à cause de la dissidence de certains élus LR qui ont formé leur propre parti, fissurant peu à peu la droite. En même temps le centre se disperse entre ceux qui soutiennent LaREM et le centre traditionnel. La REM occupant l’essentiel de cet espace central.
Endigué depuis la Cinquième République, le fractionnement des partis politiques met fin à la bipolarisation existante depuis les années 1970. La multiplication des produits de l’offre politique (une quinzaine de partis) réintroduit ainsi «le régime des partis» qui prévalait sous la Quatrième République. Critiquée sous la Quatrième République comme la cause de nombreux blocages institutionnels, cette profusion serait-elle un prélude au changement de la vie démocratique en France? Ce foisonnement de l’offre politique ne serait-il pas un signe de la bonne santé de la démocratie?
Conclusion
La France, un paysage politique au miroir de la société française.
Le marché politique français n’a donc plus rien à voir avec celui de 2012. L’on peut dire que la vie politique en France est en train de se réinventer. Mais un nouveau cap a été franchi à la suite des élections de 2017 car le changement rompt complètement avec la tradition des vieux partis traditionnels: Est-ce «La troisième voie?[32]» . En revanche, ce qui n’a pas changé c’est la sociologie politique des Français, toujours prêts à se battre pour revendiquer des droits, pour défendre les acquis sociaux, et laisser leur empreinte sur la politique… Ils peuvent faire et défaire ce qui est. Ils ont élu Emmanuel Macron mais ils peuvent le sanctionner lors des élections ou entamer un mouvement de colère.
En réalité, plus d’un an après l’arrivée au pouvoir du président Macron, les Français sont dépités et sa popularité décroit. C’est dans ce contexte qu’à l’automne dernier (2018) un vaste mouvement de colère né sur les réseaux sociaux ébranle le Gouvernement et tourne à l’affrontement entre Force de l’ordre et «gilets jaunes» (nom que s’est donné ce mouvement). Une colère qui a poussé le Gouvernement à faire marche arrière sur certaines décisions impopulaires. Le président a décidé d’entamer un débat national afin d’écouter les doléances des «gilets jaunes» malgré un «anti-macronisme» perceptible. Une des revendication phare de ce mouvement est le recours au référendum de façon plus régulière afin de laisser le peuple intervenir dans les décisions politiques (comme c’est le cas en Suisse). Ce que reflète ce mouvement c’est l’essoufflement de la forme représentative de la démocratie mais pas la démocratie elle-même. Le mouvement aspire à la mise en place du référendum d’initiative citoyenne (RIC) ou populaire qui doit faciliter la consultation du peuple sans associer le Parlement. Ils veulent participer à leur niveau, à la «fabrication» de la Loi. Bien que dans la constitution le référendum d’initiative citoyenne existe, il est partagé avec le Parlement. Ce mouvement aspire donc à plus d’interventionnisme. La question qui se pose est de savoir quelle serait le domaine autorisé aux citoyens pour prendre une décision référendaire. Et quelle va être sa portée? Mais s’intéresser et s’investir dans la vie politique n’est-il pas le propre de la démocratie?
En tout état de cause, ce qui parait probable, étant donné la sociologie historique de la France, c’est que le peuple obtient les aménagements, sans toucher à l’essence du système. C’est le propre de la démocratie en France. Elle s’est construite ainsi depuis la révolution française.
Au vu de la crise sociopolitique actuelle de la France, peut-on penser que la Cinquième République est à bout de souffle? «La France est-elle ingouvernable?» comme le titre l’Express du 16 janvier 2019.
Selon le politologue Yasha Mounk «le degré de déligitimation de la politique traditionnelle dont les gilets jaunes sont l’expression est en effet assez inédit en Europe»[33]. En tout état de cause la démocratie reste le seul rempart possible face à la montée des populismes mais elle doit être plus «humaine» selon l’écrivain et économiste Jacques Attali. En effet, pour y parvenir «il faudrait que, dans chaque collectivité humaine, les dirigeants soient choisis sur leurs capacités de comprendre les mouvements du monde, d’incarner la grandeur commune, de dire la vérité, de ne pas flatter les plus bas réflexes, d’écouter, de respecter, d’apprendre, de changer d’avis, de faire confiance, d’aider, d’encourager, de s’émerveiller, d’admirer, avec humilité et empathie».
Et d’ajouter que les « pays qui réussiront à choisir durablement ce genre de gouvernants retrouveront le chemin de la croissance et de la sérénité[34]».
Webographie
- http://www.ecoleliberte.fr/wp-content/uploads/2016/05/Schumpeter.pdf
- http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&sr=7
- https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-economie-politique-2004-2-page-29.html
- https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2010-3-page-24.htm
- https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2003-1-page-82.htm#no3
- http://www.cours-de-droit.net/les-regimes-autoritaires-a131873384
- https://www.france24.com/fr/20180507-france-an-election-emmanuel-macron-recomposition-paysage-politique-francais-lfi-ps-lr-fn
- https://www.la-croix.com/France/Politique/Pourquoi-Front-national-mobilise-plus-contre-2017-04-27-1200842796
- https://www.lejdd.fr/International/Europe/au-fait-cest-quoi-un-populiste-3760286
-https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/03/20/le-bouleversement-du-paysage-des-partis-politiques-en-une-infographie_5273667_4355770.html
-https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/12/10/les-gilets-jaunes-recit-d-un-mouvement-hors-norme-ne-sur-facebook_5395359_4355770.html
- https://www.lhistoire.fr/classique/«-la-république-au-village-»-de-maurice-agulhon
-https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-176895-la-recomposition-du-paysage-politique-francais-ou-le-retour-au-regime-des-partis-2136520.php
- https://www.liberation.fr/debats/2017/06/26/macron-et-la-revolution-du-paysage-politique_1579670
- https://www.lopinion.fr/dossier/edito/qu-est-que-macronisme-140458
- https://www.monde-diplomatique.fr/2017/04/POPELARD/57377
Bibliographie
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- Berstein Serge, Histoire du parti radical, PFNSP, 1980.
- Berstein Serge, Winock Michel, L’invention de la démocratie, 1789-1914, Points, Histoire, Paris 2008.
- Démier Francis, La France du XIXe siècle 1814-1914, Points, Histoire, Paris 2000
- Gaxie Daniel, La démocratie représentative, Paris, Montchrestien, 2004.
- Jean-Yves Dormagen, Daniel Mouchard, Introduction à la sociologie politique, de boeck, 3e éditions, Bruxelles, 2010.
- Joseph Schumpeter, Capitalisme, Socialisme et Démocratie, Ed. Payot, 1942.
- Lefebvre Rémi, Leçon d’introduction à la Science politique, ellipses, 2e éditions, Paris, 2013.
- Maurice Agulhon, La République au village, Paris, Plon, 1970. Réédition avec une préface, Seuil, 1979.
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- Offerlé, Michel, Les partis politiques. PUF, 2012.
- Stein Rokkan, Seymour Lipset, Party systems and voters alignements, New York Free Press, 1967.
Presse
- L’Express, n°3524, semaine du 16 au 22 janvier 2019
- Le Point, n°2420, du jeudi 17 janvier 2019.
- Le Point, n°2406, du jeudi 11 octobre 2018.
- L’Obs, n°2828 du 17 au 23 janvier 2019.
[1]- Dans la démocratie athénienne 40 000 citoyens participent à l’Assemblée. Les femmes, les esclaves, les mineurs et les étrangers ne sont pas des citoyens athéniens, ils sont donc exclus de l’Ecclésia.
[2]- Forme de démocratie où les citoyens sont représentés par une délégation.
[3]- Régime politique dans lequel le peuple peut exercer son pouvoir indirectement via des représentants, soit directement par référendum.
[4]- «Régime politique caractérisé par le refus de tolérer l’expression publique de désaccords politiques importants» (Dictionnaire de Science politique, voir http://www.cours-de-droit.net/les-regimes-autoritaires-a131873384
[5]- Régime à parti unique, n’admettant aucune opposition organisée. L’État a recours à la terreur et à l’embrigadement du peuple.
[6]- Dans la démocratie, le droit procède normalement de la volonté majoritaire. La garantie du droit des minorités n’existe pas dans le principe démocratique, mais cette garantie dépend de la culture politique qui considère la tolérance.
[7]- Joseph Schumpeter, Capitalisme, Socialisme et Démocratie, Ed. Payot, 1942. p.335.
[8]- Ibid, p.335.
[9]- Ibid, p.341.
[10]- Ibid.
[11]- Forme de gouvernement dont le pouvoir est réservé à un petit groupe de personnes formant une classe dominante. La plupart des sociétés contemporaines d’aujourd’hui, sont concernées par une oligarchie de fait.
[12]- Un parti politique est une organisation participant directement à la compétition pour les postes et positions de pouvoirs. Joseph La Palombara et Myron Weiner, ont élaboré quatre critères pour identifier les partis politiques: organisation durable, échelons locaux, volonté explicite d’accéder au pouvoir et volonté délibérée de trouver un soutien populaire.
[13]- C’est un ensemble de prérogatives et d’obligations reconnues aux membres d’une collectivité politique. Le citoyen participe directement ou indirectement à l’exercice du pouvoir.
[14]- Au début du XVIIIe siècle, le système monarchique se transforme: le roi est la seule incarnation de l’État établit par la loi. Mise en place sous Louis XIV, le roi est représenté par des agents dans toutes les villes de France. Le roi est celui que Dieu a désigné pour le représenter auprès des hommes. Son sacre lui donne une mission de Dieu, qui est de protéger son peuple (se révolter contre le roi c’est se révolter contre Dieu).
[15]- Lefebvre Rémi, Leçon d’introduction à la Science politique, ellipses, 2e édition, Paris, 2013. p.110.
[16]- Premiers partis politiques modernes, ils sont tenus par des notables, et sont faiblement structurés. L’autorité qui s’exerce au sein de ces partis est à la fois personnelle et décentralisée.
[17]- Les partis de masse ont été le produit d’une volonté consciente afin de s’opposer aux partis de cadres tout en étant un instrument de lutte politique. Sa permanence, son organisation structurée, lui permettent de mener une action politique méthodique. Ils apparaissent au XIXe siècle et les premiers d’entre eux sont des partis socialistes.
[18]- Ces groupements manquent d’organisation, ce ne sont pas encore des partis, mais, ils en comportent tous les éléments sauf l’organisation et la structure.
[19]- Pour plus de détails cf les travaux de Maurice Agulhon, La République au village, Paris, Plon, 1970. Réédition avec une préface, Seuil, 1979.
[20]- Après les élections de 1876, une partie des élus républicains forment un groupe d’extrême gauche que l’on appelle les radicaux. Par la suite, ils deviennent le groupe radical socialiste. Suite aux élections de 1881, une scission apparait dans groupe: entre la gauche radicale et la gauche modérée.
[21]- La Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) est un parti politique français qui a été fondé en 1905 et qui a existé jusqu’en 1969.
[22]- Stein Rokkan, Seymour Lipset, Party systems and voters alignments, New York Free Press, 1967.
[23]- La guerre d’Indochine (1946-1954) aboutit à la dissolution de cette fédération (Vietnam, Laos et Cambodge) entraînant la fin de la présence française dans cette région. La défaite française aura des conséquences profondes sur la politique française.
[24]- La guerre d’indépendance algérienne est un conflit armé qui s’est déroulée de 1954 à 1962 en Algérie, colonie française depuis 1830. Elle aboutit à la reconnaissance de son indépendance en 1962. En France cette guerre entraine l’avènement de la Cinquième République.
[25]- Le président de la république élu au suffrage universel direct se place au centre du système. Il est le garant des institutions et l’arbitre du jeu politique. Il nomme le Premier ministre et le gouvernement. Le pouvoir législatif s’organise quant à lui est autour de deux chambres. Le conseil constitutionnel nommé est chargé notamment de contrôler la conformité des lois.
[26]- Jean-Yves Dormagen, Daniel Mouchard, Introduction à la sociologie politique, de boeck, 3e édition, Bruxelles, 2010. p.53.
[27]- Pour être candidat il faut être soutenu et financé par un parti politique. Personnification et collectivisation se renforcent mutuellement. Dépendance vis-à-vis des partis (image, message…). Mise en place d’un phénomène d’intériorisation bipolaire de l’univers politique rendant les dissidences improbables.
[28]- Otto Kirchheimer, The Transformation of the West European Party System, montre que les grands partis politiques ont tendance à se transformer en Catch-all Party (Parti attrape-tout): le rôle des leaders est valorisé au détriment du peuple (ce qui crée la crise actuelle en France). Cette transformation entraine l’émergence de nouveaux partis politiques.
[29]- De manière générale le populisme contemporain désigne une approche qui oppose le peuple aux élites politiques, économiques ou médiatiques. On retrouve souvent des thèmes communs au populisme et au nationalisme.
[30]- https://www.liberation.fr/debats/2017/06/26/macron-et-la-revolution-du-paysage-politique_1579670
[31]- Énarque, inspecteur général des Finances, banquier à la banque d’affaires Rothschild, Secrétaire général adjoint de la présidence de la République de 2012 à 2014 et ensuite ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique dans le gouvernement II de Manuel Valls de 2014 et 2016, sous la présidence de François Hollande.
[32]- «La Troisième voie, ce projet de «dépassement de la gauche et de la droite» porté par les élites du New Labour dans les années 1990, a été au centre de nombreuses réflexions théoriques qui ont conduit à reformuler, en partie, la question sociale au Royaume-Uni.» https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2010-3-page-24.htm
[33]- L’express, N°3524 semaine du 16 au 22 janvier 2019, p.39.
[34]- Ibid p.26.
فرنسا: مشهد سياسي في طور إعادة التشكّل
تشكّل المسار الديمقراطي في فرنسا بشكلٍ تدريجي واعتماده جاء بطريقةٍ بطيئة. في معظم دول العالم تأتي الديمقراطية بعد نظام ملكي أو (آخر) سواء عن طريق الثورة أو عبر التسوية. في حالة فرنسا، اقترن إرساء النظام الديمقراطي بالمعاناة، لأنّ المؤرخين أجمعوا على أنّ الثورة الفرنسية التي اندلعت في العام 1789 هي التي أدت إلى إرسائها. على الرغم من حدوث ثورة في العام 1789 وأخرى في العام 1848، إلا أنّ تأسيس الإمبراطورية الثانية أو النظام كان أمرًا صعبًا. حتى أنّ الإمبراطورية الثانية ظهرت على أنّها ردة فعل على الديمقراطية، ما أدى إلى ثورة سكان باريس (العامية)، ولم تأخذ الديمقراطية شكل الجمهورية حتى العام 1875. بالفعل تمّ إرساء سياسة لكي تجسّد الجمهورية الأمة، وتعكس بدورها فكرة الجمهورية الديمقراطية. وهكذا تأسست حياة سياسية وفي نفس الوقت كانت تتطوّر الأمة والديمقراطية. الثورة الصناعية، التطور، تعاظم الحريات، كلها عوامل تفسر بشكلٍ جزئي هذا التطور. نتيجة لذلك، شهد البلد بروز حرية الصحافة، الحرية النقابية، تعدّد الجمعيات، خاصة الأحزاب السياسية.
في بداية القرن العشرين، أصبحت الأحزاب بمثابة اللاعبين الأساسيين للحياة السياسية في فرنسا. في الوقت الذي كانت فيه الدولة تتمأسس، كانت الأحزاب السياسية تنظّم نفسها للمشاركة في المنافسة على المراكز والمواقع القيادية. إنّ المنافسة على استلام الحكم تجري في مناخ انتخابي حيث يتمّ تبادل "المنافع السياسية" مقابل الأصوات. في هكذا نظام، على المرشحين استخدام تقنيات جديدة لحصد الأصوات: برنامج انتخابي، دعاية، تواصل... المنافسة تصبح مسيّسة. الأحزاب السياسية والمواطنون هم أساس حسن سير الديمقراطية.
شيئًا فشيئًا، بدأت الأحزاب السياسية القوية تفرض نفسها في مواجهة الأحزاب الصغيرة، حيث بدأت هذه الأحزاب تتمحور تدريجيًا حول الانقسام الحاصل بين اليمين واليسار. مع مرور الوقت، ترسخت السياسة لدى الفرنسيين الأمر الذي أثّر بشكلٍ مباشر أو غير مباشر على الديمقراطية، وتطوّر النظام على وقع الأزمات أو الحروب. الفترة التي فصلت الحربين العالميتين الأولى والثانية والحرب العالمية الثانية هزّتا فرنسا ونظامها السياسي، تأرجحت الجمهورية الرابعة ولم تعد تتماشى مع التطوّر الحاصل. وعلى وقع الأزمات الاقتصادية أو الاجتماعية والحروب، تطوّر النظام نحو الجمهورية الخامسة. ابتداء من العام 1958، بدأ المشهد السياسي الفرنسي يتّجه نحو الثنائية الحزبية، حيث بدأت الأحزاب السياسية تتجمّع تدريجيًا في معسكرين: اليمين واليسار، مهمّشة بذلك بعض الأحزاب التاريخية.
على الرغم من أنّ الجمهورية الخامسة لا تزال المرجعية في أيامنا هذه، إلا أنّ المشهد السياسي بدأ يتغيّر. فمنذ بضع سنوات، بدأنا نحس بهشاشة الوضع وبدأت عملية إعادة التشكل. الأزمة الاجتماعية التي تعيشها فرنسا اليوم ذاع صيتها.
إلى أي مدى سوف ينشّط اعتماد الديمقراطية في فرنسا نظامها السياسي ويصل به إلى ثنائية حزبية؟ كيف ستعمل أزمات القرن العشرين على زعزعة النظام الموجود؟ هل ستكون الأزمة الاجتماعية السياسية الحالية مقدّمة لتغيير النظام؟