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La lutte contre les intérêts usuriers en Israël
Lors de sa formation en 1948, l’Etat d’Israël hérita des lois palestiniennes qui reposent pour la plus grande partie sur le droit turc et le droit anglais qui eux-mêmes, de par une vieille loi ottomane de 1877, fixent un taux d’intérêt maximal de 9% par an(1).
Au moment de la création de cette loi, l’économie politique en Palestine était encore organisée de façon primitive sur une base féodale rurale et il n’y avait pas un système bancaire évolué. L’objet de la loi était la protection du débiteur, avant tout du fermier, contre l’usurier, les premiers étant souvent endettés avec des taux d’intérêts élevés.
La loi a été conservée avec quelques petits changements durant la période militaire et du Mandat britannique (1917-1948), ce qui devait entraîner une adaptation à l’économie politique en développement et au système bancaire avancé(2).
Dans les premières années qui ont suivi la formation de l’Etat d’Israël, la loi se fit peu remarquer et il n’y a eu que peu de plaintes sur les taux d’intérêt à plus de 9% par an. La raison à cela ne résidait pas dans l’efficacité de la loi qui comportait de lourdes imperfections, surtout en l’absence de toute amende pour le remboursement à des taux surpayés, mais dans les circonstances économiques. En effet depuis sa création, l’Etat d’Israël fut accompagné d’un processus inflationniste qui se poursuit encore aujourd’hui et qui laisse son empreinte sur tout le développement économique du pays. La cause en fut l’extension des investissements venant aussi bien de l’Etat que du privé, investissements qui pouvaient être financés par l’épargne seule. Mais le développement rapide des investissements fut fatal en présence de l’immigration - dans les années 1948 - 1951, le nombre de la population augmenta de 914700 fin 1948 à 2233600 fin 1961(3) -, en présence de l’augmentation irrésistible du niveau de vie et des dépenses faites pour la défense en présence de l’état de guerre avec les pays arabes. Le Produit National Brut augmenta de 1148 millions en 1950 à 3542 en 1961 (Livre Israélienne de 1955)(4) ou de 906 à 1619 par tête (L.I. de 1955)(5).
Durant la période où le gouvernement israélien chercha à combattre l’inflation par les contrôles administratifs (dans les années 1948-1952), il ne fit pratiquement aucune démarche pour endiguer le nombre, sans cesse croissant, des moyens des paiements, que ce soit au niveau de l’offre ou au niveau de la demande. Au contraire, il accéléra ce processus avec le financement étendu du déficit. En conséquence, les instituts bancaires (banques et sociétés coopératives de crédit) purent continuer à élargir leur crédits sans limite et le taux d’intérêt resta la plupart du temps en dessous des limites légales.
Mais cette situation se modifia au dédut des années cinquante, surtout avec la nouvelle politique économique de l’année 1952. Les contrôles administratifs directs furent supprimés et ainsi l’inflation qui avait été jusqu’à présent contenue se transforma en une inflation ouverte. Comme le gouvernement ne pouvait ou ne voulait pas pratiquer une politique fiscale déflationniste, il chercha à combattre l’inflation sur le plan monétaire et il utilisa un moyen unique et brutal, à savoir la limitation quantitative et qualitative du crédit chez les instituts bancaires, principalement par les règlements des liquidités - le taux règlementaire des liquidités monta jusqu’en juin 1963 à pas moins de 47% - mais aussi par une réduction - certes imparfaite - du volume du crédit dans les années 1954-1961.
Mais la réduction de l’offre de crédit n’amena pas à une diminution ou une stagnation de la demande de crédit. La structure de l’économie et les expériences du public amenèrent à une augmentation constante de la demande. Il faut ici mentionner les investissements faits, dans le cadre du développement, qui ne pouvaient pas être financés par l’épargne autant qu’il en faut. Avec l’augmentation constante des prix, la conscience du public au sujet de l’inflation s’éveilla et cela donna lieu à des investissements dans les biens de production et de consommation, qui offrirent une protection contre une dévaluation, particulièrement lorsque ces investissements étaient financés par des crédits qui pourraient être remboursés plus tard avec une valeur réelle peu élevée. La structure financière des entreprises agricoles et industrielles chez lesquelles la part du capital propre était aussi d’importance(6). Certes, les entreprises étaient souvent à la disposition des deniers publics. Cependant, elles étaient la plupart du temps seules à des fins d’investissement à long terme. Elles devaient se procurer des fonds de roulement par d’autres moyens. En outre, le processus inflationniste amena à ce que de tels deniers furent également utilisés pour des investissements qui furent décisifs pour le fonds de roulement, ce qui par là même aggrava encore le manque de fonds de roulement. Il se produisit un élargissement de la demande de crédit de la part des vendeurs, qui, la plupart du temps, vendaient moins cher non pas du fait de la réduction des prix mais du fait de l’allocation de crédits.
Ainsi la situation se caractérise de la façon suivante: une réduction du prix du crédit par la loi sur les taux et une réduction de l’offre du crédit par les restrictions des crédits chez les instituts bancaires qui fit face à une demande de crédit en constante augmentation. Il était clair que dans cette situation soit le prix devait être augmenté, soit l’offre devait être plus importante. En Israël les deux possibilités ont eu lieu : l’augmentation des prix par la flambée des taux d’intérêt maximum et l’élargissement de l’offre par la création de substituts de moyens de paiements(7).
Le marché illégal du crédit:
L’augmentation du taux d’intérêt consistait à ce que l’on exige et que l’on paie des taux d’intérêt - souvent pour des crédits à court terme - qui étaient plus élevés que le maximum légal(8). Que cela soit illégal et porte les noms “d’intérêts ou non”, c’est-à-dire “crédit au noir”, ne semblait déranger personne. La demande de crédit au noir provenait principalement d’affaires qui n’étaient pas considérées comme absolument indispensables et qui pour cette raison ne recevaient aucun crédit particulier de la part du Gouvernement ou des instituts bancaires. Ces affaires étaient avant tout le commerce, la construction et les services. Cependant l’agriculture et l’industrie devaient aussi user de crédit au noir pour couvrir les besoins de crédits marginaux. L’offre provenait souvent du privé ou des instituts financiers, qui n’étaient pas des instituts bancaires. Mais les instituts bancaires participaient également au marché du crédit au noir, soit de façon directe soit seulement en tant qu’intermédiaire. Nous allons décrire leur activité d’une façon un peu plus approfondie.
Tout d’abord les instituts bancaires se chargaient des allocations de crédit en fonction des dépôts de tiers, c’était l’argent d’institutions ou de privés, qui sur le souhait du dépositaire était prêté à certains clients par l’intermédiaire des instituts bancaires. Du point de vue technique cela suivait son cours; l’institut bancaire mettait la somme à la disposition de l’emprunteur, tandis qu’elle était portée au crédit du créditeur sur un certain “dépôt pour allocation de crédit”, le dépôt spécial était seulement débloqué à nouveau lors du remboursement de la dette. Le crédit était évidemment alloué par un tiers et les instituts bancaires n’agissaient qu’en tant qu’intermédiaires contre une certaine commission. Du point de vue économique, les dépôts pour les allocations de crédit n’étaient pas de véritables dépôts, ils n’exercaient pas non plus de pression sur le pouvoir d’achat et ne représentaient ainsi aucun moyen de paiement ni un dépôt à terme. Comme le Gouvernement bloqua cette voie fin janvier1954 par la réduction du volume total du crédit (9), les instituts bancaires fondèrent des filiales qui n’étaient soumises à aucune restriction de crédit et qui pouvaient ainsi réaliser des opérations semblables.
Cela ne dura pas longtemps, jusqu’à ce que les autorités monétaires empêchèrent cela. Depuis la mi-mars 1958 les instituts financiers qui n’étaient pas des instituts bancaires devaient remettre des rapports précis à la Banque d’Israël et depuis la fin avril 1960, elles leur attribuèrent toutes les restrictions de crédit des instituts bancaires. De nouveau, les instituts bancaires trouvèrent un expédient, en réunissant des personnes qui cherchaient des crédits et des personnes qui offraient sans que l’argent apparaisse sur les bilans des instituts bancaires. D’un point de vue technique cela s’effectua selon le type de crédit usuel pour les particuliers, c’est-à-dire par le billet à ordre. Les instituts bancaires vendirent le billet à ordre du débiteur au créancier en déduisant une commission. Cette opération fut connue sous le nom de “billet à ordre intermédiaire”.
Le billet à ordre intermédiaire se faisait avec ou sans prise en charge de garantie par l’institut bancaire. Dans le premier cas les billets à ordre apparaissaient dans le bilan des instituts bancaires dans le poste de “garanties”, poste qui n’était pas controlé, et les instituts bancaires exigeaient une commission un peu plus élevée pour de tels billets à ordre. Mais en réalité un certain engagement moral de l’institut bancaire face au créditeur apparut dans le cas des billets à ordre non garantis, engagement que créancier escomptait et qui fut également presque toujours accepté par les instituts bancaires.
Bien que les débuts de ce billet à ordre intermédiaire soient déjà reconnaissables du temps du mandat britannique (10), ils n’atteignirent vraiment une dimension importante qu’après l’extension des contrôles de crédit qui étaient effectués aussi sur les instituts financiers ne faisant pas partie des instituts bancaires, et ce depuis 1960.
Au début seuls les petits instituts bancaires s’en occupèrent, et seulement des billets à ordre de premier ordre, tels que ceux du secteur public, des coopératives de transport, des organisations de contrôle des kibboutzim (11), etc. ... Peu à peu les grands instituts bancaires commencèrent à s’intéresser à ses affaires et le domaine des billets à ordre intermédiaires s’élargit aux débiteurs de moindre importance. La propagation de ce crédit par rapport au crédit au noir et au crédit total augmenta de plus en plus.
Un fait important pour la propagation de ce type de crédit se trouvait dans un arrêt fiscal, c’est-à-dire les intérêts sur les crédits étaient reconnus par les autorités fiscales comme dépenses, même si les noms des créanciers n’étaient pas indiqués. Mais si une institution bancaire avait certifié que 25% sur les intérêts étaient prélevés à la source. Par contre les paiements des intérêts n’étaient que reconnus comme dépenses, sans l’attestation d’un institut bancaire et après le versement d’un impôt prélevé à la source de 25%, lorsque les noms des créanciers étaient donnés. Lorsque les noms des créanciers n’étaient pas cités, de tels intérêts étaient reconnus comme dépenses seulement après le paiement d’un impôt prélevé à la source de 40%. Comme les créanciers pour les crédits au noir souhaitaient garder, comme cela peut se comprendre, leur anonymat, beaucoup de crédit au noir dans le marché organisé des billets à ordre intermédiaires passèrent par les instituts bancaires.
Les bons services que les instituts bancaires offraient par intermédiaire allaient dans la même direction. La garantie qu’ils acceptaient de façon officielle ou officieuse, la possibilité, par l’intermédiaire d’instituts bancaires convenables d’obtenir des intérêts plus élevés, l’augmentation de l’argent liquide du public durant les années soixante par des capitaux venant d’une indémnisation personnelle de la République Fédérale d’Allemagne, ainsi que la possibilité pour les instituts bancaires d’éviter les éventuels déficits en argent liquide par le billet à ordre intermédiaire. C’est ce qu’ils firent en vendant le billet à ordre de leurs débiteurs à leurs dépositaires, souvent avec leur garantie. Les chiffres des bilans diminuèrent avec ces transactions, les crédits à l’actif et les débits au passif baissèrent de même somme près et ainsi la trésorerie s’améliora.
Les capitaux du marché du crédit au noir étaient des capitaux qui étaient retirés du système bancaire ou qui n’y avaient jamais été, car les instituts bancaires ne pouvaient pas payer de taux convenables en raison des réductions importantes du crédit et de la limitation des taux d’intérêt pour les dépositaires. L’entrée des instituts bancaires dans le marché du crédit au noir par le billet à ordre intermédiaire n’était pas autre chose qu’une intégration ou une réintégration de ces capitaux au noir dans le système bancaire. Les capitaux, il est vrai, n’apparaissaient ni à l’actif ni au passif du bilan des instituts bancaires, mais étaient en réalité des dépôts qui étaient placés dans des crédits à 100% par des instituts bancaires, c’est-à-dire contre lesquels les instituts bancaires ne pouvaient garder aucune réserve de liquide. Sur le volume du crédit au noir il n’y a naturellement aucun chiffre exact, pas seulement à cause des difficultés d’enregistrement, mais aussi parce qu’il est difficile à déterminer quand le taux d’intérêt effectif - à la différence du taux formel - dépasse le maximum légal (les commissions qui doivent être ajoutées au taux d’intérêt, les clauses de valeur monétaire habituelles en Israël, celles qui sont effectives, permettent un taux d’intérêt qui se situe bien au-dessus du maximum légal) (12).
Selon l’avis de la Banque d’Israël le crédit au noir des privés et des instituts financiers fin 1955 ne dépassait pas la somme approximative de 50 millions de L.I.(13), c’est-à-dire autour de 20% du crédit des instituts bancaires au public par leurs propres moyens et autour de 15% du crédit total au public par l’intermédiaire des instituts bancaires, y compris les crédits sur les dépôts de tiers et du Gouvernement (14). Selon l’opinion du directeur général de la Banque “Léumi-Le Israël” (la banque la plus ancienne et la plus importante d’Israël) cela n’était pas la limite supérieure mais la limite inférieure du crédit au noir(15).
Selon Edward Tenenbaum, les évaluations du crédit au noir en 1959 oscillaient entre 50 millions de L.I. et 300 millions de L.I., mais lui-même pencherait pour la somme de 150 millions de L.I., telle qu’elle serait évaluée, d’après ses explications, par les experts des impôts sur le revenu! (16). Cette somme correspondrait à environ 30% du crédit des instituts bancaires au public par ses propres moyens et à environ 20% du crédit total au public par les instituts bancaires, cependant ces différences importantes montrent combien ces évaluations sont peu sûres (17).
Il n’existe certes qu’un faible indice pour les billets à ordre intermédiaires et garantis par les instituts bancaires comptabilisés sur le poste “garanties” des instituts bancaires. Mais comme ce chiffre comprend aussi bien les garanties financières que celles d’une autre nature, il ne peut être considéré que comme la limite supérieure pour les billets à ordre intermédiaires et garanties (18). En outre seule l’augmentation de ce poste durant ces dernières annnées (début des années soixante) est à considérer comme la limite supérieure pour les billets à ordre intermédiaires et garantis - dont il faut par contre soustraire l’augmentation des autres garanties - , car le billet à ordre intermédiaire a pris sa signification depuis 1960. La somme du poste “garanties” augmenta, chez les instituts bancaires, en 1960 de 44,8 millions de L.I., en 1961 de 97 millions de L.I. et en 1962 de 216,3 millions de L.I.(19). La limite supérieure pour les billets à ordre intermédiaires et garantis - à laquelle il faut ajouter le total proportionnellement petit des billets à ordre intermédiaires et garantis - correspondait à 44,8 millions de L.I. (= 44,8 + 97,0) fin 1961 et 358,1 millions de L.I. (=141,8+216,3) fin 1962.
La somme de tous les billets à ordre intermédiaires dans les instituts bancaires serait estimée, dans le milieu bancaire, à 260-300 millions pour l’année 1962 (20), ce qui constitue environ 30% du crédit des instituts bancaires au public par ses propres moyens et 20% du crédit total des instituts bancaires au public (21).
Après que les autorités monétaires aient fait le voeu de mettre également sous contrôle le billet à ordre intermédiaire des instituts bancaires, une commission pour traiter ce problème fut mis en place par la Banque d’Israël.
La discussion tournait avant tout autour de deux propositions, dont l’une consistait à fixer une proportion inférieure entre le capital propre d’un institut bancaire, ses dépôts, l’actif, les capitaux en liquide ou de n’importe quel poste de son bilan d’une part et ses garanties d’autres part, et dont l’autre consistait à vouloir supprimer les allégements fiscaux mentionnés ci-dessus pour les billets à ordre intermédiaires traités par les instituts bancaires. Alors que la première proposition, voulait limiter le total des billets à ordre intermédiaires par une réduction légale - la manière technique exacte de réduction ne joue ici aucun rôle - la seconde proposition voulait atteindre le même but par un abaissement de la rentabilité du crédit au noir pour le créancier, qui pouvait alors revenir à peu près au même taux de capitalisation par des placements dans les emprunts à court terme délivrés par le gouvernement.
Les deux propositions semblent cependant avoir manqué leur but. leur réalisation pouvait tout au plus amener à une dimunition de la proportion de crédit au noir des instituts bancaires et ainsi être liée à une augmentation du taux d’intérêt au noir, car la prise de risque dans les instituts bancaires est limitée. De telles évolutions n’auraient pas été souhaitables, tant du point de vue de l’économie que de celui des autorités monétaires. C’est pourquoi il faut s’attendre à ce que les instituts bancaires trouvent malgré tout un moyen de détourner de tels réglements, comme ils l’ont toujours fait dans le passé, pour participer au marché du crédit au noir. La deuxième proposition aurait vraisemlablement des conséquences négatives pour le fisc, car une augmentation de l’impôt sur le revenu (sur le billet à ordre) n’augmentera pas les revenus totaux en raison d’une soustraction plus importante. Au contraire, elle les diminuera.
Même si les mesures proposées sont inutiles du point de vue monétaire, l’adoption de la première proposition ne serait pas décisive pour la sécurité des instituts bancaires, de la même façon que la fixation des taux de liquidités minimum pour les dépôts ne soit plus aujourd’hui laissé au jugement des instituts bancaires, de la même façon également le montant maximum des autres obligations des instituts bancaires, comme par exemple les garanties, sera contrôlé. les garanties aient déjà atteint de telles sommes que leur limitation légale justifie, donne les chiffres suivants : Fin décembre 1963 les garanties pour la couverture du crédit par rapport à la somme du crédit en monnaie israélienne pour 6 banques s’élevait à moins de 25%, pour 5 banques à 25-30%, pour 8 banques à 50-100% et pour les 7 banques restantes à plus de 100%(22).
La loi sur les intérêts 5717 -1957 et “l’échelle des intérêts»
Comme il n’y a pas de marché financier ou des capitaux développé en Israël, il peut difficilement être question de taux d’intérêt. Il n’existe pas non plus de corrélation entre les différents taux. L’évolution de l’inflation et les effets cités ci-dessus amenèrent à ce que le taux d’intérêt maximum légal soit un taux minimum, tous les taux d’intérêt qui étaient inférieurs au taux d’intérêt au noir pour les crédits garantis représentaient un subside (soutien financier). Pour les crédits du gouvernement et de la Banque d’Israël celui-ci revenait au contribuable, pour les crédits des instituts bancaires il revenait aux déposants qui devaient se contenter d’un taux d’intérêt peu élevé pour leur solde créditeur comme s’ils n’avaient pas pu l’obtenir sans limitation légale.
Le taux d’intérêt légal était de 9% par an comme nous l’avons dit, le Gouvernement se voyait cependant contraint de rapprocher au moins un peu ce taux de la réalité. De plus, il voulait depuis longtemps limiter les taux d’intérêt de façon plus efficace. Les deux se produisirent le 30 janvier 1957 avec le décret pour une nouvelle loi sur les intérêts, la loi sur les intérêts 5717-1957 (23), qui prit le relais de l’ancienne loi ottomane sur les intérêts qui était tout à fait insuffisante du point de vue de l’efficacité.
Sans souscrire à toutes les particularités, il était dit que la loi serait bien organisée que des amandes seraient prévues et qu’elle prévoierait également des décrets pour les emprunts liés au taux de change de la monnaie ou à l’indice du coût de la vie (24), avec un délai minimum de 2 ans (25). Elle se différenciait ainsi entre deux parties de l’intérêt, à savoir une fois le taux dans son sens habituel, c’est-à-dire en tant que rémunération pour l’emploi du pouvoir d’achat et pour le risque pris par le créancier, et en outre en tant que remboursement pour la dimunition du pouvoir d’achat réel du capital (26).
La nouvelle loi était une loi-cadre que le Ministre des finances autorisa pour la fixation du taux d’intérêt maximum, après délibération avec le Gouverneur de la Banque d’Israël et ratification du Comité des finances de la Knesset (parlement israélien). Le paragraphe 56 de “la loi -Bank of Israël” (27) autorise de son côté le Gouverneur de la Banque à fixer un taux d’intérêt maximum pour les instituts bancaires avec l’approbation du Gouvernement et du comité des finances de la Knesset. Cependant le Gouvernement ne fit aucun usage de ce droit, car il préconisait la suppression de la loi sur les intérêts.
La nouvelle loi sur les intérêts entra en vigueur le premier mars 1957, et le même jour le taux d’intérêt maximum fut augmenté de 11% par un décret du Ministre des finances (28). Ainsi nous pouvons établir une sorte “d’échelle” des taux d’intérêt, qui ne soit pas un traitement global et complet de tous les taux d’intérêt et de leur évolution, mais qui doit seulement donner une image générale.
Les taux d’intérêt les plus bas étaient ceux pour les liquidités des instituts bancaires. Dans les années 1948-1955 les instituts bancaires possédaient des effets du Trésor que le Gouvernement leur vendait par adjudication hebdomadaire. Le taux d’escompte pour ces effets était d’à peu près 2% par an (29) (depuis 1955 seule la Banque d’Israël possédait encore ces effets du Trésor).
Les instituts bancaires recevaient un taux d’intérêt de la Banque d’Israël pour leurs dépôts, qui augmentait régulièrement, comme pour les taux d’intérêt dans l’économie politique. Celui-ci s’élevait pour les dépôts minimum de réserve à presque 2% par an, pour les dépôts supplémentaires à 2% par an au moment de la création de la Banque d’Israël, le premier décembre 1954 et jusqu’à 5% par an en 1962 (30).
Le public pouvait obtenir des crédits relativement bon marché à partir des fonds du Gouvernement, principalement du budget du développement, à partir des fonds de la Banque d’Israël par l’escompte ou également à partir des fonds des instituts bancaires par le crédit avec des autorisations spéciales en dehors des limites normales de volume ou de liquidité. Ces trois sortes de crédit étaient accordés aux industries favorisées et pour des projets comme les industries exportatrices, l’agriculture et autres. Le taux d’intérêt pour tous ces crédits se situait en dessous du maximum légal, et il était fixé selon l’aide dont ces industries ou projets avaient besoin. La limite inférieure était de 3-6% par an (31) - pour les rabais particuliers de la Banque d’Israël encore en 1963.
Il faut souligner qu’en Israël il n’y a pas de taux d’escompte de la Banque Centrale dans son sens habituel. Du fait qu’Israël n’a pas un marché financier développé, le taux d’escompte ne peut être mis en place car cela influencerait les autres taux d’intérêt et ainsi l’activité économique, il faut ajouter à cela que le taux d’intérêt effectif se situe au-dessus du taux maximum légal. Comme le taux d’escompte ne pouvait pas être porté au-dessus de la limite maximum légale, bien que cela aurait correspondu au développement économique, il ne pouvait être employé comme moyen monétaire. La Banque d’Israël utilisait l’escompte simplement pour accorder au public des crédits moins chers pour les objectifs favorisés. De par leur nature ces crédits ne se différenciaient pas des autres capitaux du Gouvernement.
Sur “l’échelle des taux” venait ensuite l’intérêt légal maximum. Certes celui-ci était, comme on le disait, de 9 ou de 11% par an. Cependant il était d’après la nouvelle loi encore plus bas pour l’agriculture, l’industrie et le commerce -10% par an - et pour les emprunts monétaires ou liés à un index 6,5% à 8% par an.
Il est intéressant de savoir que l’intérêt de retard est également fixé par la loi, sans tenir compte du fait, qu’outre la fonction habituelle de l’intérêt, il doit également rendre les remboursements en retard plus chers, et qu’il doit ainsi être plus élevé que le taux d’intérêt habituel de l’économie politique. D’après le code de procédure civil ottoman, il s’élevait à 1% par mois, c’est-à-dire 12% par an (32), mais, en fait il sera fixé par l’interprétation des tribunaux à un taux moyen de 9% par an. En 1958 il fut élevé à 15% par an (33) et en 1961, sous l’influence des idées politiques et sociales il fut rebaissé à 11% par an (34). Ainsi l’intérêt de retard ne peut pas remplir sa fonction - et nous avons un autre exemple sur les raisonnements économiques qui ne peuvent pas l’emporter sur d’autres facteurs.
La place la plus élevée dans “l’échelle est occupée par le taux d’intérêt au noir. Il est gradué selon le risque le plus bas (avec un terme d’échéance de quelque mois) pour les billets à ordre du gouvernement et des institutions publiques qui sont vendus par les entreprises et les fournisseurs et qui sont pratiquement sans risque, Il n’y a pas de limite supérieure. L’intérêt au noir ne doit pas toujours apparaître comme étant un intérêt habituel, mais peut également apparaître dans tous les rabais possibles pour les paiements comptant (35).
Au cours de l’année le taux d’intérêt au noir oscilla selon l’offre et la demande. La limite inférieure était, depuis 1957 11% par an, d’après ce qui est dit ci-dessus il n’y a pas d’informations sûres. Selon l’opinion de la Banque d’Israël le taux d’intérêt au noir évolua en 1955 entre 15 et 24% par an (36). Parmi les quelques cas de taux surélevés, qui passèrent devant les tribunaux il s’avéra cependant que les banques comptaient un taux de 27 et même de 40-48% par an (37). Depuis avril 1959 des informations au sujet du taux d’intérêt au noir seront publiées chaque semaine dans le “le journal Haaretz”. D’après ces informations les taux d’intérêt au noir s’élevaient à 18-30% par an en 1959 (18-22% par an de façon sûre, 24-30% par an pour les crédits risqués), à 17-30% en 1960 et 13-30% par an en 1961 (13-20% par an de façon sûre, 18-30% par an pour les crédits risqués).
Des taux d’intérêts si élevés paraissent invraisemblables en comparaison avec les taux d’intérêt dans les pays développés. Lorsqu’ils pouvaient être payés, il y avait alors quelques explications.
Autrefois les intérêts ne constituaient qu’une part relativement petite des dépenses totales des entreprises malgrè leur importance, ainsi la demande de crédit n’était presque pas élastique par rapport à la hauteur des taux d’intérêt.
Beaucoup de personnes qui cherchaient un crédit, obtenaient alors des crédits bon marché par des allocations officielles, de façon à ce que les crédits au noir soient seulement marginaux. Plus la part des crédits relativement bon marché dans le crédit total était élevée, plus les taux d’intérêts pour la part peu importante des crédits au noir marginaux pouvaient être élevés sans que le taux d’intérêt moyen du crédit total augmente trop (38).
De plus les paiements élevés des intérêts pouvaient être payés dans des périodes déterminées sur les gains alors extraordinairement élevés, principalement à l’époque des contrôles physiques directs (1949-1952), lorsque le marché noir fleurissait. Mais ces gains devinrent alors moins importants dès lors que le marché de vendeurs se transforma en marché d’acheteurs. C’est pourquoi une part considérable de commerce financée par le crédit au noir n’était pas connue des autorités fiscales. C’est ainsi que le revenu du débiteur augmenta et aussi sa capacité à payer des intérêts élevés. Ce phénomène diminua durant ces dernières années avec les améliorations du recouvrement des impôts.
Finalement, dans une économie marquée par une augmentation constante du niveau des prix, une part des taux ne sera plus payée comme rémunération pour l’utilisation des capitaux ou pour le risque pris, mais pour compenser la diminution de la valeur réelle de la dette. Il en était ainsi par exemple en 1952, alors que l’indice du coût de la vie augmentait, pour atteindre à peu près 66,4% , chaque taux d’intérêt, qui était situé en dessous, était vu de façon concrète comme un taux négatif. Cet exemple est considéré comme général sans entrer dans les détails des données de l’indice du coût de la vie ; il illustre clairement la signification de la hausse des prix pour le taux d’intérêt (40).
En dernier lieu serait cité le taux d’intérêt pour les crédits des instituts bancaires, qui occupait une place particulière dans la mesure où on pouvait le trouver des deux côtés du maximum légal (41). Les crédits venant de dépôts ou contre dépôts d’un tiers, comme le Gouvernement ou les institutions officielles, le crédit par réescompte de la Banque d’Israël ou les crédits venant des capitaux des instituts bancaires en dehors du cadre des liquidités, étaient comme on l’a déjà cité, en moyenne bon marché et se situaient en dessous du maximum légal. Les crédits habituels venant des capitaux des instituts bancaires coûtaient la plupart du temps le taux maximum légal, mais presque toujours plus par la multiplicité des charges sous d’autres noms. En général c’étaient des commissions. Cependant il y avait aussi les obligations des débiteurs pour l’achat des actions de l’institut bancaire prêteur, pour le maintien d’une part des emprunts comme dépôt chez les créanciers, comme lien final avec l’institut bancaire mentionné ou le calcul du taux pour les délais qui n’étaient pas conformes aux délais réel (42). Même d’après l’évaluation de la Banque d’Israël, une partie des banques prenait soin de prendre des taux et des commissions de 15 à 18% (43) et cette constatation de la banque était encore faite avec réserve comme cité ci-dessus.
Une enquête de l’Examinateur des banques constata en 1953 que seulement 85% du crédit des instituts bancaires seraient accordés à un taux d’intérêt dont les commissions ne s’élèveraient finalement pas au-dessus de 9%. Le reste s’élèverait pour la moitié de 9% à 12% par an, pour l’autre moitié à plus de 12% par an (44). Simplement les grandes banques se tenaient plus ou moins à la loi, et étaient ainsi discriminées par rapport aux autres (45). Ce qui arriva aux taux d’intérêt créditeurs des instituts bancaires, c’est qu’une concurrence active régnait car en présence des instructions de liquidité, l’attirance de dépôts était pratiquement le seul moyen d’augmenter les crédits. Le taux d’intérêt se situait à peu près entre 4% par an pour les dépôts à vue sur lesquels on ne pouvait tirer aucun chèque (qui en réalité étaient remboursés sur demande ou après un délai de préavis court), et 9% par an ou plus pour les dépôts à terme, surtout jusqu’au plafonnement du crédit début 1954 (46). Dans le cadre d’un programme d’épargne particulier - pour une période de 3 à 55 mois - les déposants obtenaient de 3 à 6% par an, et en outre, des primes et autres compensations comme des assurances sur la vie (47).
L’effet de la “Loi sur les intérêts” sur l’économie israélienne
La loi sur les intérêts sera promulgée d’après des considérations sociales et elle restera en vigueur du fait des considérations sociales et politiques. On voulait avec cette loi soutenir certaines branches, avant tout l’agriculture et maintenir en général les intérêts à un niveau peu élevé et ainsi créer une impression de stabilité. La Loi n’avait cependant presque rien à faire avec de bonnes conceptions économiques et en effet il n’était pas possible d’opposer une résistance aux forces économiques qui tendaient en direction d’une hausse des intérêts (48). La divergence en résultant entre les taux d’intérêt légaux et au noir avec des inconvénients multiples:
- L’allocation de crédits à un taux d’intérêt favorable n’est du point de vue économique rien d’autre qu’une subvention. Cependant le taux y perd sa fonction de prix, c’est-à- dire en tant que répartition (répartiteur) des ressources d’après leur utilisabilité économique optimale. Il serait plus correct de permettre au taux de remplir sa fonction et de mener à bien le soutien de différentes branches et entreprises avec des mesures directes.
- Le taux d’intérêt peu élevé grossit la demande en crédit car le rapport marginal des investissements est plus élevé que le taux. De cette manière la pression inflationniste augmente et les investissements spéculatifs et la consommation sont encouragés. Le taux d’intérêt peu élevé mène également à la demande en crédit, qui sera plus tard conduit sur le marché noir de façon à ce que le premier bénéficiaire du crédit puisse profiter de la différence d’intérêt.
- Le résultat du mécanisme des taux en tant que régulateur du crédit et de la hausse de la demande en crédit causée par des taux d’intérêt peu élevés oblige les autorités monétaires à appliquer un contrôle qualitatif du crédit qui dépasse la limite souhaitée par une économie libérale et avant tout pour un système bancaire libre.
- Le taux d’intérêt légal peu élevé amène à ce que le créancier, pricipalement les instituts bancaires, exigeront toujours le taux d’intérêt légal maximum. C’est ainsi que la position et la crédibilité du débiteur ainsi que le type et le délai du crédit perdrant leur signification pour la fixation du taux d’intérêt, le débiteur de confiance devra payer le même taux d’intérêt que celui dans lequel on aura à moitié confiance, bien que le taux du dernier doive comprendre une prime de risque.
- La limitation légale des taux d’intérêt augmente le taux d’intérêt au noir, car elle englobe une prime de risque pour la transgression de la loi.
- L’octroi de crédit à des taux d’intérêt légaux peu élevés crée des conditions de concurrence inégales entre les entreprises, parmi celles qui peuvent recevoir un crédit à des taux légaux peu élevés, mais les autres doivent se tourner vers le marché au noir. Si une telle discrimination est voulue du côté des autorités monétaires elle doit s’effectuer par des mesures directes et pas par une déformation du mécanisme des taux.
- La limitation du taux d’intérêt débiteur rend impossible aux instituts bancaires le fait de payer un taux d’intérêt créditeur qui conviendrait aux relations du pays. De cette manière l’épargne portera préjudice et la consommation augmentera.
- Le taux d’intérêt défavorise les instituts bancaires obéissants à la loi et défavorise doublement les autres instituts bancaires qui détournent la loi. C’est de cette manière que les derniers avaient non seulement des taux d’intérêt plus élevés mais aussi étaient dans la situation d’attirer plus de dépôts avec des taux d’intérêt plus élevés.
- La limitation des taux d’intérêt débiteurs conduits les instituts bancaires à la compensation de perte de revenus par d’autres types de revenus comme les provisions et les charges pour les prestations de service. C’est de cette manière que les services bancaires en Israël sont plus chers que dans beaucoup d’autres pays.
- Finalement le taux d’intérêt auquel on ne fait pas attention porte préjudice à la morale légale en général comme chaque loi, qui ne peut pas être respectée par le public.
Le redressement du marché monétaire illégal : la lutte contre les intérêts usuriers
La position de la politique économique face au crédit illégal dépend de la réponse à deux questions, à savoir si la politique économique doit absolument s’efforcer d’influencer ce phénomène et dans ce cas quelles démarches doit-elle entreprendre pour cela?
- La réponse à la première question fondamentale est affirmative pour une raison simple: Aussi longtemps qu’un contrôle monétaire sera approuvé par principe, il ne faudra pas se demander pourquoi un contrôle sur une partie des avoirs, qui peut passer pour une représentation du pouvoir d’achat ou pour un moyen de paiement, doit rester limitée. Comme il est ressorti clairement de la discussion historique en Angleterre entre l’Ecole de la Banque (Banking School) et l’Ecole de la Monnaie (Currency School) (49), et ainsi que cela a été à nouveau souligné à notre époque dans le rapport Radcliffe (50), la réduction du champs d’activité de la politique monétaire sur l’or et les billets de la Banque Centrale ou sur les dépôts des instituts bancaires est arbitrairre. Le développement économique et l’efficacité des mesures de la politique monétaire nécessitaient un élargissement constant du domaine d’activité de la politique monétaire et de l’établissement de nouveaux moyens en plus des moyens classiques (51).
- La réponse à la deuxième question, à savoir quelles mesures doit-elle choisir, est plus compliquée. Car autant que le crédit illégal soit difficile à recenser dans les règlements administratifs, les mesures de politique monétaire doivent être de nature générale face à ces réglements. En outre la politique monétaire devrait plutôt s’efforcer de lutter elle-même non pas contre les faits mais plutôt contre les causes. Comme mesure spécifique il était principalement cité: l’abolition de la loi sur les taux et l’établissement d’un marché financier.
Les conséquenses défavorables de la divergence entre le taux d’intérêt légal et le taux d’intérêt au noir dominent de loin tous les avantages en cause possibles de la fixation légale des intérêts. Quand il n’y a pas en perspective une augmentation de la demande de crédit selon que celle-ci est au moins en partie de nature structurelle et parce que également aucune augmentation de l’offre de crédit ne peut être autorisée, car pour cette “marchandise particulière” une augmentation de l’offre ne satisferait jamais la demande et pourrait simplement provoquer une inflation intolérable, la seule vraie solution consiste à ce que la limitation légale du plafond des intérêts soit abolie et que le taux d’intérêt puisse trouver sa grandeur au point de vue économique.
Une augmentation du taux d’intérêt pourrait certes se produire sans que la loi sur les intérêts doive être abandonnée, simplement par une augmentation de la limite maximum légale. Cependant une telle démarche ne serait pas logique: Un taux d’intérêt légal maximum peut être inférieur, égal ou supérieur par rapport à un taux d’intérêt libre. Dans le cas où il est inférieur, il en résulte tous les inconvénients cités et dans le cas où il est égal ou supérieur, alors il est superflu. La véritable solution ne sera non plus l’augmentation du taux d’intérêt légal mais l’abolition de la préjudiciable ou superflue sur les intérêts.
Le taux d’intérêt libre se stabilisera - si tant est que l’on puisse parler d’un taux d’intérêt unique - vraisemblablement entre le maximum légal et l’intérêt au noir, car d’une part les forces citées que crée la demande de crédit resteront actives dans un proche avenir et d’autre part le taux d’intérêt ne comportera aucune prime de risque pour la transgression de la Loi. De telles réflexions n’autorisent cependant pas à ne pas tenir compte de ce qui suit : La constitution particulière du crédit en Israël dans laquelle les fonds publics venant en grande partie de l’étranger jouent un rôle déterminant, permet au gouvernement la fixation du taux d’intérêt d’une part très importante de tous les crédits, indiféremment que le taux d’intérêt soit limité ou libre, et soit indirectement en influençant la demande et l’offre, finalement de ses propres transactions, soit directement en fixant le taux d’intérêt pour les crédits accordés sur leurs ressources, crédits qui jouent un rôle particulièrement important dans l’économie. Même si la libéralisation proposée se produit, le gouvernement aura une influence encore plus importante dans ce domaine que dans toute autre économie libre.
Comment un taux d’intérêt libre influencera la masse des moyens de paiement ? Cela ne provoquera vraisemblablement pas de changements importants. Une partie des fonds du marché du crédit au noir trouvera son chemin dans le système bancaire, dans lequel les liquidités des instituts bancaires et également leur capacité à octroyer des crédits augmentera. Dans le cas où les autorités monétaires n’empêchent pas cette augmentation, par exemple par l’augmentation des taux des liquidités, la masse des moyens de paiement augmentera. Une partie des moyens de paiement se changera en dépôts pour l’épargne (52) et la masse des moyens de paiement diminuera. L’influence de ce changement sur le pouvoir d’achat dans l’économie n’a pas à être fixée de manière exacte, elle pourrait même augmenter le pouvoir d’achat, car les intérêts peu élevés des liquidités sont valables pour de tels dépôts et car comme nous l’avons déjà dit, les instituts bancaires sont souvent prêts à payer de tels dépôts avec participation, c’est-à-dire que les dépôts pour l’épargne pourraient conserver au moins en partie la fonction de dépôt à vue. Il y a peu à supposer que l’augmentation des taux d’intérêt conduira à une baisse du crédits des instituts bancaires et ainsi à une baisse de la masse des moyens de paiement car la demande en crédit en Israël n’est presque pas élastique par rapport aux changements de taux d’intérêt. On n’est pas sûr non plus si l’augmentation du taux d’intérêt grossira sensiblement l’importation de capital et la masse des moyens de paiement, car l’importation de capital en Israël ne repose que sur une petite partie des affaires (53).
Le marché du crédit au noir disparaîtra avec la libéralisation des taux d’intérêt, cependant un marché du crédit en dehors du système bancaire subsistera également, aussi longtemps que les restrictions de crédit des instituts bancaires seront renforcées, une part importante de leurs moyens avec un taux de liquidité élevé stérilisera la limitation du volume des crédits. Mais sans de telles limitations il faudrait s’attendre à ce que ce marché reste, par exemple pour la demande marginale qui pour des raisons particulières comme par exemple un risque élevé ne sera pas satisfait par les instituts bancaires. Ce marché sera un fait normal contrairement à celui du marché noir, qui de plus pourrait représenter une base pour la création d’un marché de l’argent.
La suppression des limites légales de taux d’intérêt et la création rendue possible d’un marché financier ouvrirait à la politique monétaire en Israël de toutes nouvelles possibilités. Un manque plus important en outil pour la politique monétaire en Israël est qu’elle ne peut se servir que de moyens “grossiers” de contrôle pour le crédit, comme la limitation du crédit et sa régulation par la limitation quantitative des liquidités et ceci également seulement dans le système des instituts financiers alors que des moyens plus “subtils” comme l’emprise sur les liquidités de l’économie et du taux d’intérêt par le maniement des réescompte et par des opérations sur le marché ouvert (l’Open Market), ces moyens ne sont pas à sa disposition pour deux raisons: La limitation légale du taux d’intérêt ne permet aucune latitude pour les changements du taux d’intérêt - L’intérêt légal maximum est en même temps l’intérêt réel minimum, de façon à ce qu’il ne puisse plus être augmenté et sa diminution est aussi impossible en présence du processus inflationniste - ainsi il n’y a pas en Israël de marché financier développé qui serait utile pour les manipulations classiques du taux d’intérêt. C’est pourquoi la Loi sur les taux sera abandonnée et un marché financier créé.
Un marché financier organisé permettra aussi bien le placement de fonds à court terme à un taux d’intérêt qui reflète le taux d’intérêt réel dans le pays que la liquidation rapide, pratique et sans perte de ce placement (54). Bien qu’en ne puisse pas parler d’un marché financier, des éléments négociables existent en Israël, comme le commerce des titres à court terme du Gouvernement et des effets des particuliers.
Les premiers titres du Gouvernement qui ont fait l’objet du commerce en tant que titre sur le marché financier, étaient les propriétaires de certificat d’épargne pour des emprunts pour la construction d’un logement pour de nouveaux immigrants, qui cependant ne seront pas délivrés dans ce but. Les certificats qui existent depuis 1957 seront mis en circulation pour la plus grande partie en temps que prime sur le cours officiel du change pour le change de monnaies étrangères venant des fonds des “réparations allemandes” et des sources semblables. Les certificats avaient un délai de circulation de cinq ans, ils pouvaient cependant être retirés de la circulation au bout de six ans. Lorsque les bénéficiaires commençaient à acheter ces certificats d’épargne, débutait à la bourse un commerce avec ces titres pour des investissements à court terme. Le taux d’intérêt nominal s’élevait à 3-6% par an, selon la période de remboursement, et était net d’impôt. Avec le développement du commerce il s’est dégagé pour les acquéreurs un taux de capitalisation net qui allait jusqu’à 15% par an, selon le taux d’escompte sur le marché (55). Leur somme s’élevait à 7,3 millions de L.I. fin 1959, à 10,8 millions de L.I. fin 1960, 7,3 millions de L.I. fin 1961 et seulement 0,3 millions de L.I. fin 1962 (56).
Un véritable titre à court terme, qui à l’inverse du certificat d’épargne se voulait dès le départ en tant que tel, est l’emprunt, à court terme qui a été émis par le Gouvernement début juillet 1960. Cet emprunt avait à l’origine un délai de circulation de 3 à 6 mois, depuis 1961 également de 9 à 12 mois et depuis 1963 de 18 mois aussi. Leur somme s’élevait à 12 millions de L.I. fin 1960, à 22,5 millions de L.I. fin 1961 et à 99,6 millions de L.I. fin 1962 (57). La plus grosse part de cet emprunt se trouvait dans les instituts financiers.
Le taux de capitalisation net de ce titre, qui se compose d’un intérêt nominal avec une limitation de l’impôt sur le revenu de 25% et de la différence entre le cours des dépenses et des remboursements, a atteint en 1962, 8,5% (58), et le taux de capitalisation brut était deux fois plus élevé ou même plus selon le taux d’impôt sur le revenu du propriétaire du titre. Ces faits montrent que le Gouvernement était conscient de l’inefficacité de la loi sur les taux car il comptait un taux d’intérêt effectif pour les crédits totalement sûrs, taux d’intérêt se situant bien au-dessus du taux d’intérêt maximum légal !
Ce titre pouvait servir de base pour un marché financier. Sa trésorerie importante est garantie par son délai de circulation en général court, et par le fait que les instituts bancaires sont presque toujours prêts à l’acquérir à un cours qui corresponde à la période d’échéance depuis l’émission. Le succès d’un tel emprunt dépend cependant d’une certaine stabilité du niveau des prix malgré sa composition attractive et le fait qu’il est à court terme.
Pour la création d’un marché financier ces titres du Gouvernement doivent être complétés par des titres privés. Le fait que l’économie soit mûre pour l’utilisation de traite privée à court terme, prouve que le marché du crédit au noir et le billet à ordre intérmédiaire des instituts bancaires repésentent effectivement un marché financier illégal. Avec la “légalisation” de ce marché augmenterait considérablement son importance pour l’activité économique et pour la politique monétaire (59).
L’offre sur le marché financier viendra des épargnants qui auront emprunté auparavant directement leurs capitaux comme s’ils voulaient déposer dans les instituts bancaires car le taux d’intérêt sur le marché sera plus élevé que le taux d’intérêt créditeur des instituts bancaires.
La demande viendra des emprunteurs qui ne pourront pas être satisfaits par le système bancaire surtout du fait des limitations de crédit. Les instituts bancaires pourront également être emprunteurs avec les obligations négociées au comptant à court terme ou sur un marché de dépôt à vue. Le gouvernement pourra également emprunter sur le marché financier avec des effets du trésor ou d’autres emprunts à court terme.
Le problème des taux d’intérêt se règlera automatiquement sur le marché financier avec la création de taux d’intérêt selon la loi du marché, en accord avec différentes sortes de titres et pour différents délais qui accorderont un revenu convenable pour le créancier et occasionneront une allocation optimum des ressources.
Lorsque l’application du réescompte en tant que moyen de la politique monétaire parait possible seulement dans d’autres conditions économiques, l’application des opérations à marché ouvert est déjà indiquée. Mais à l’inverse de l’emprunt à court terme du gouvernement qui est émis non pas pour des raisons fiscales et dont les revenus du gouvernement seront à nouveau mis en circulation, l’émission de titres dans le cadre d’opérations à marché ouvert devront correspondre aux objectifs de la politique monétaire et devront stériliser les moyens de paiement perçus ou être éventuellement employés pour l’achat de monnaie étrangère, comme cela est connu en Angleterre. La Banque d’Israël ira aussi dans cette direction mais se heurta à la résistance du Ministère des finances, dont il a eu besoin de l’utilisation pour l’émission de ses propres titres conformément au paragraphe 47 de la “Loi de la Banque d’Israël” et elle craignit la concurrence pour ses emprunts à court terme (60).
Le crédit illégal est seulement une forme de phénomènes de processus inflationniste latent et profond dans l’économie israélienne. Le combattre en tant que tel a peu de sens et laisserait dans le meilleur des cas se déclarer d’autres phénomènes économiques anormaux. L’élimination définitive de ce crédit peut seulement être atteinte dans une situation de stabilité dans laquelle la masse des moyens de paiement peut satisfaire la demande par un taux d’intérêt équilibré. La politique monétaire peut contribuer à atteindre cette situation en libéralisant le marché de loyer de l’argent et par la création du marché financier organisé.